Tous ceux qui ont peu ou prou pratiqué la recherche en mathématique ou la mathématique libre dans leur classe ont découvert des vérités dont nous pourrions faire des axiomes. En voici quelques-unes, en ordre dispersé.
- On ne comprend vraiment que sur ses créations, sur ses questions.
- On comprend quand on réinvente, quand on redécouvre.
- Dans un groupe, on est différent. Les défauts des personnes deviennent des qualités.
- Le groupe permet de revoir, d’agrandir, de puiser, de renvoyer, de prolonger.
- Dans un groupe, ça va plus vite : les critiques sont immédiates et les prises de conscience accélérées.
- C’est en expliquant que l’on comprend.
Cela ne vous suffit-il pas ?
Je pourrais développer et dire, par exemple, que chez Jean-Paul Blanc, une psychologue avait été surprise de voir 14 enfants venir successivement au tableau pour dire la même chose. Eh ! Oui ! Dans ce groupe, les illuminations se réalisaient en chaîne. Et quand chacun avait compris, il fallait qu’il le communique aux autres pour que cela devienne vraiment clair en lui.
Mais je ne développerai pas. Je ne dirai pas que l’on comprend quand on explique parce que le souci de communication exige l’effort (dont on se passait) que nécessite la mise en ordre des idées.
Non, je vous demande simplement d’accepter les axiomes. Oui ? Bon. Alors on peut y aller.
Regardons les choses en face : nous sommes des individus qui avons besoin, par plaisir ou par nécessité professionnelle, d’acquérir rapidement des connaissances en mathématiques.
Rapidement ? Vous avez bien dit rapidement ? Alors j’ai une solution : la recherche en groupe. Cette année, nous avons expérimenté dans notre groupe 35, la méthode naturelle de recyclage. Nous étions une demi-douzaine d’enseignants du primaire auxquels s’était adjoint un excellent prof de maths. Il était excellent parce qu’en dehors de ses qualités de prof de maths que nous ne saurions apprécier, il savait se taire presque jusqu’à la fin. Il laissait faire, il laissait aller les choses et il n’intervenait que pour apporter une petite rectification, pour prolonger une idée, pour offrir une piste de recherche. Vraiment, un phénomène rare.
J’ai beaucoup participé à ces séances de recyclage, un peu trop sans doute, mais je ne le regrette pas parce que je voulais vérifier aussi sur moi-même, l’efficacité de la méthode. Et je puis dire que ça a marché. Et pas seulement pour moi.
Mais il apparaît nettement que deux séances d’une heure un quart par mois, c’est insuffisant. (Il vaudrait même mieux se réunir tous les soirs d’une seule semaine. Et on n’en parlerait plus.)
Il apparaît aussi que ceux qui ont été les plus bénéficiaires, ce sont ceux qui ont le plus apporté de leurs créations personnelles ou de celles de leurs élèves (ce qui est la même chose puisqu’elles fournissent aussi des questions).
Des rencontres, c’est bien. Mais il faudrait compléter ça par des cahiers de roulement (cantonaux de préférence). Et puis il y a « l’éducateur » qui est l’organe d’expression d’un groupe important qui peut bénéficier des avantages de tout groupe et pratiquer cette méthode naturelle de recyclage. Alors, voici ce que je propose.
Chacun dirait en toute simplicité (1), dans « l’éducateur » (ou ailleurs) ce qu’il a compris, ce qu’il a inventé, ce qu’il a découvert, ce qu’il cherche. Pour amorcer la pompe, je donne l’exemple en ouvrant la rubrique : J’ai compris. J’ai inventé. J’ai découvert. Je cherche.
Paul Le Bohec 35 - Saint-Gilles
Texte paru dans l’éducateur N°4, mathématique, novembre 1971, p.11-12
(1) Sans avoir cette peur idiote et bourgeoise de dire des imbécilités.