– Rennes reste en D1. Guingamp descend en D2. Lorient monte. Avec Rennes, restent donc considérés mon enfance, mon adolescence, mon père, mes environnements familial et familier de l’époque. Rennes existera donc encore sur le plan national. Avec Guingamp se trouveront dévalorisées ma prime enfance, ma part bretonnante, ma part maritime, ma vie sportive et professionnelle. Avec Lorient arrivent pour moi à la lumière, une petite expérience du chemin de fer, de la guerre, et un drame familial. Cette année, j’espérerai pour Nantes et Guingamp et je tremblerai pour Rennes, Lorient et Gourcuff. Chacun de nous est ainsi au centre de plusieurs sphères : famille, amitiés, ville, région (N’est-ce pas Lens, région qui avait besoin de compensations). À nous éducateurs de multiplier ces sphères d’existence pour que ce ne soit pas la bande, le ghetto ou le parti qui soit l’unique référence. Soyez tranquilles : Naples, Cologne, Guingamp remonteront vite. Nous les (nous vous) suivrons de près.
– C’est pour une question de pédagogie que j’avais envoyé un premier message sur le foot. Depuis longtemps, parce que j’ai été moi-même conditionné dès l’âge de sept ans, je me pose la question :
« Mais comment peut-on être supporter ? Pour quelles raisons profondes ? Et à défaut de quoi ? »
–Je vais encore parler de foot. Ce n’est pas une obsession, c’est circonstanciel : après la fin du championnat de France, voici qu’a lieu à Rennes un tournoi international de foot féminin. J’ai été ému de voir 15 Marocaines et 15 Algériennes aussi libres dans leurs vêtements de sport et dans leur corps sur le terrain. Perfection de la technique, tactique, absence de brutalité : c’était un régal. C’est encore en pédagogue qu’il nous faudrait poser la question de l’entrée des filles dans cette nouvelle sphère de liberté.
Éléments supplémentaires :
Les copains belges sont bien placés pour connaître les excès comportementaux de certains supporters. Mais est-ce le fait du foot ou du régime capitaliste (thatcherien ?) en Angleterre à cette époque ? À Lens, le public ne manifeste pas d’agressivité envers les adversaires. Ce n’est pas son style.
Ouest-France titre en dernière page : « La victoire des femmes algériennes passe par le football. »
Si l’Iran remporte son match contre les États-Unis, les femmes iraniennes vont-elles se précipiter, cette fois encore au stade ? Peut-être ne se laisseront-elles pas parquées comme lors de la qualification.
En Italie, je monte dans le train à Reggio-Emilia. Je me plonge dans « l’Équipe » que Roberto a tenu à m’acheter à la gare. Je relève la tête. Tout le wagon me sourit ! Et pourtant, c’était écrit en grand : Bordeaux a battu Milan A.C.
À Saint-Pétersbourg, le concierge de notre immeuble m’invite chez lui, probablement en russe, pour voir Moscou-Paris. Pierrick n’était pas là, alors les non-footeux ayant la majorité, je n’y suis pas allé. Ya niè idiote.
Faudrait-il supprimer les terrains de foot dans les banlieues ? Je croyais qu’elles en manquaient.
Reste ma question de départ : pourquoi est-on supporter ? À quel besoin cela correspond-il ? Que fait l’école pour multiplier les occasions de le satisfaire. Je sens qu’il faudrait travailler davantage au niveau du groupe que l’école actuelle néglige trop, ne serait-ce que pour l’acquisition des connaissances.
Un dernier mot : l’intérêt pour le foot dépend-il d’une pratique personnelle ? Les femmes qui ont joué sont-elles plus supportrices ?
Paul Le Bohec
Texte paru dans Coopération Pédagogique, rubrique : Humeurs, n°98 mai/juin1998
Discussion sur les listes Freinet et Com-ICEM en mai-juin 1998