Navigation dans l'œuvre de Paul Le Bohec, pour une école réparatrice de destins
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Préparons le congrès

Les jours vont vite. À peine avons-nous commencé le travail qu’il nous faut lever les yeux et regarder loin en avant. Sur cette ligne de l’avenir, il y a, pour nous le point du congrès. C’est d’ailleurs la mission essentielle d’un congrès : nous permettre de faire le point.

Cette année encore, les commissions horizontales pourront se retrouver pour mettre en commun leurs travaux. (Nous entendons par commissions horizontales, les commissions au sens habituel du mot : l’enfance inadaptée - les mathématiques - le second degré - la musique - les techniques sonores.)

Mais ce qui sera peut-être plus particulier cette année, c’est que les commissions qui en auront fait le choix pourront se laisser traverser par les divers chantiers verticaux définis par le Conseil d’Administration aux Journées de Vence.

CHANTIER DE LA CRÉATIVITÉ
Actuellement, on se bat un peu au niveau du mot. C’est excellent car c’est un mot qui s’est fait récemment un nid solide dans notre société, et il est bon d’aller voir d’un peu près ce qui s’y couve.

Les discussions engagées devraient avoir pour résultat de mieux situer notre expression libre qui dépasse largement ce que la créativité peut avoir de partiel et de récupérant. Nous pourrions alors faire utilement connaître notre propre réponse aux différents milieux qui se sont mis en interrogation à la suite de l’arrivée de ce mot venu de l’Ouest.

Mais bien entendu, il ne saurait être question de se contenter de discussions intellectuelles. Car nous sommes freinétistes, c’est-à-dire que nous sommes avant tout soucieux de pratiques et de réalisations pédagogiques.

Dans ce domaine, nous aurons bientôt, nous l’espérons :
– La B.E.M. de Janou Lémery
– La B.E.M. de Jacqueline Crouzet et Jacques Caux.
– Un ou plusieurs dossiers de l’Éducateur sur les pratiques des techniques de création.

Mais d’ici le congrès, nous aurons également dans nos revues des comptes rendus des recherches entreprises.

Des réponses aux questions du début de l’année auront peut-être été apportées.
– Quels progrès chacun aura-t-il réalisés dans la mise à l’expression libre de sa classe ?
– À quel niveau du maître ou des élèves aura-t-il travaillé pour provoquer les déblocages ?
– Les indifférents et les sceptiques auront-ils été convaincus. Comment ?
– Quels procédés, quels trucs, quels outils auront été découverts ?

En effet, il y a actuellement dans le mouvement l’idée que la créativité, c’est l’art enfantin. Non, c’est par trop réduire son domaine. Elle est aussi intense en mathématique – en étude du milieu – en organisation des relations dans la classe – en organisation de ce milieu, etc. La créativité, c’est une attitude générale devant la vie, c’est elle qui guidera le comportement de chacun face à l’information, la culture, la publicité, la politique, face aux hommes et aux événements. Le chantier est vaste ouvert, et chacun pourrait y trouver sa place. Mais c’est surtout aux témoignages visibles (et audibles) que l’on appréciera le chantier. Nous ne savons pas encore, à l’heure où nous écrivons ces lignes quelle forme définitive le C.A. de novembre aura proposée pour le congrès. Mais on peut rêver déjà d’expositions claires avec commentaires explicatifs précis
– de présentations des documents
– d’une classe « créative »
– d’un groupe de classes d’une même école, d’un même département, de départements éloignés ayant des caractères communs.

Dans ce domaine également, on pourra faire confiance à la créativité des groupes qui saura remplir et abondamment déborder le cadre de l’Art Enfantin.
À notre avis le congrès aura donné ses fruits si chaque participant, chaque visiteur en revient plus riche de réponses à ses questions mais également, et surtout, plus riche d’interrogations nouvelles.

DEUXIÈME CHANTIER : TECHNIQUES ET OUTILS
Je laisse Beaugrand, Berteloot, Delbasty rédiger ce chapitre. Je recopie simplement le texte de Delobbe :
– Faire le point sur les boites expérimentées
– Recenser les outils naissants
– Le fichier de travail : faire le point sur le niveau d’expérimentation atteint
– Les techniques et les outils moteurs de la créativité.

TROISIÈME CHANTIER : LES STRUCTURES DE RELATION
À Aix, les fils des « structures de relation » se noueront un peu plus. En effet, beaucoup de camarades ont déjà, dans ce domaine, des réalisations à leur actif. Et il y a même des publications (le livre sur l’autogestion)... Certes, des expériences sont en cours : équipes pédagogiques – autogestion – relations avec les parents – correspondance libre. Mais elles restent marginales et confidentielles. Les relations ne sont pas encore assez nouées entre les membres de ce chantier. Le mouvement ne s’est pas encore saisi dans son ensemble, de cette question importante. Le congrès d’Aix devrait être l’occasion d’une véritable prise de départ de ce chantier avec, si possible, pour l’année suivante, son plein épanouissement qui se traduira par des décisions, des réalisations. Et des modifications au niveau de notre pédagogie toute entière.

Si l’on voulait résumer les « visions » actuelles du congrès d’Aix-en-Provence, on pourrait dire que
– la créativité y produira ses fruits
– les outils y déploieront leurs feuilles
– les relations y ouvriront leurs graines.

Le dire c’est bien, le faire c’est mieux. Mais c’est beaucoup plus difficile. Les difficultés ne nous font pas peur. Certes le chantier est immense comme la vie. Mais le mouvement trouvera-t-il ces propositions de travail justes et adéquates aux moments que nous vivons ? C’est là, la plus grande interrogation.

Paul Le Bohec 35 - Saint Gilles

Article paru dans l’éducateur n°3, 15 octobre 1972, p.1-2