Navigation dans l'œuvre de Paul Le Bohec, pour une école réparatrice de destins
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Contre-tricher et changer

Elle est grande la tentation de tricher avec le système. Quand on ressent à ce point son empire et qu’on voit les dégâts qu’il peut susciter, il est normal d’essayer de changer les choses. Mais il faut tenir compte des rigidités environnantes et utiliser des tactiques subtiles.

Mais le mot tricher est chargé de telles connotations qu’il ne saurait être le mot juste. Car ce n’est pas juste que du négatif soit attaché à ceux qui veulent améliorer positivement les choses. C’est pourquoi il nous faut inventer le mot « contre-tricher ».

Tout le monde triche : administration, adultes, parents, enseignants. Et peut-être même que nous nous trichons nous-mêmes, la première tricherie, c’est de faire croire que l’école prépare à un métier.

Aussi faire croire aux jeunes qu’ils doivent travailler à l’école parce que, plus tard ils seront récompensés, c’est dérisoire.

Réparer leur enfance ou celle de leurs parents ?
D’autre part, les gens ont toujours à réparer de leur enfance. Mais autrefois, par exemple, on pouvait rattraper une enfance humiliée par une réussite sociale exemplaire. Et ça motivait beaucoup d’investissements scolaires. Mais maintenant, il est clair que ces motivations ne reposent presque plus sur rien. Aussi, les jeunes maintenant se soucient peu de réussir socialement.

Mais leurs parents continuent de fonctionner sur les anciennes bases sans s’apercevoir qu’elles sont dépassées. Ou bien ils s’y accrochent frénétiquement et même névrotiquement parce qu’ils n’ont pas d’autres perspectives. Mais s’ils jouent à ce jeu pour eux-mêmes, ils trichent pour leurs enfants.

Est-ce qu’on peut raisonnablement croire maintenant qu’un bon CP est une garantie de la réussite d’une vie ? Est-ce que l’orthographe et la connaissance des règles de grammaire vont permettre la réussite ? Est-ce que même une brillance en maths va déboucher sur du solide ?

Alors est-ce qu’on n’a pas à offrir autre chose aux enfants et aux adolescents ? L’époque pourrait pourtant être merveilleuse. On sait que ce qui a permis l’éclosion de l’art statuaire grec c’est l’esclavagisme qui permettait à certains d’être dispensés du travail de survie confié aux esclaves, aux prisonniers de guerre. Or nous avons débouché sur une société où l’on pourrait disposer de milliers d’esclaves électroniques. On pourrait être en masse disponible pour trouver les réponses à ce que cherchent tous les êtres humains.

En réalité, il y a un refus de prendre conscience de cette situation, on continue à vivre sur une expérience personnelle, sur des règles de vie qu’on s’est constitué et qui ont réussi ou du moins qui ont assuré une certaine sécurité matérielle et psychologique. Mais même si l’on peut savoir, comment ne pas se masquer la réalité quand elle est à ce point déboussolante.

L’électronique choc du futur
Comment ne pas être déboussolé quand on entend André Giraud, le ministre de l’Industrie, qui doit disposer de pas mal d’informations, annoncer que la révolution de l’informatique (la troisième révolution industrielle) est un événement aussi considérable que le passage des ancêtres de l’être humain à la station debout.

Voici ce que dit Alain Minc du fameux rapport Nora – Minc sur la télématique :
« ... qu’il s’agit non seulement d’une naissance de nouvelles institutions, je pense que cette naissance appelle aussi la naissance d’une autre façon de penser, d’une autre structure de connaissance, elle-même inséparable d’une autre façon d’agir. »
Ça, on veut bien le croire, on veut bien faire confiance à Minc. Mais ses paroles nous restent extérieures, c’est comme une sorte de prédication convaincue. Nous pourrions aussi bien en entendre d’autres, en sens opposé.

Mais ce que nous dit maintenant Edgard Pisani trouve un écho plus sûr en nous à propos de
« ce que l’on pourrait appeler la « dérégulation » des systèmes, la dérégulation simultanée de tous les systèmes. Ce qui frappe aujourd’hui, c’est l’effondrement, partout et dans tous les domaines, des valeurs et des organisations. Nous vivons dans un monde, sur des continents, dans des nations, dans des structures et des cellules sociales où tout est désormais possible. »

Le chemin de l’autogestion
« L’avenir est plus difficile à prévoir qu’il ne l’a été. Il apparaît, dès lors, que l’éducation a une responsabilité plus grande que jamais. À défaut de prévoir les événements et les courants, il faut former des femmes et des hommes capables d’affronter l’imprévisible. Il faut une formation qui ne privilégie pas le message pédagogique, la connaissance mais la personne et les communautés auxquelles celle-ci appartient. Quel changement et quelle tâche pour le système mais aussi pour chaque enseignant : retour aux sources. »

Oui, nous trouvons bien là un écho de ce que nous avons dans la tête depuis pas mal de temps. Mais est-ce qu’on n’en est pas resté à un niveau théorique comme ces intellectuels qui ont des idées de gauche et une pratique de droite ? Est-ce que nous ne trichons pas, nous aussi, en acceptant trop la pesanteur sociologique du système ? Et ne voit-on pas apparaître, même dans notre mouvement des soucis renforcés d’étude de l’environnement dans un sens d’acquisition de connaissances objectives sans porter l’accent sur la relation de l’être avec son milieu naturel, bien sûr, mais aussi avec son milieu humain et la propre connaissance de lui-même ? N’y faut-il pas voir là, des conduites de fuite des vraies questions ? Attitudes rassurantes, sécurisantes mais inadaptées.

Heureusement, dans l’ensemble, nous restons placés dans le bon axe de Freinet qui est encore si actuel, comme le sont ceux qui ont cherché dans certaines voies ouvertes par lui, malgré les oppositions, les incompréhensions initiales des plus clairvoyants d’entre nous. Écoutons encore Pisani :
« Mais préparer des hommes à affronter l’imprévisible et à participer à des systèmes, donc à accepter des contrariétés, c’est privilégier la responsabilité. Or rien ne peut plus complètement bouleverser notre société que la naissance d’un homme citoyen-travailleur responsable. Pour survivre à des agressions quasiment imprévisibles, la société peut hésiter entre le concentrationnaire mécaniste et l’autogéré vivant. Ses pesanteurs la conduisent vers le premier. Il n’est de raison et de vie que dans le second. La responsabilité qui est aussi discipline ne comporte pas d’alternative acceptable. Pour échapper à la prison des systèmes, il n’est que le dur chemin de l’autogestion. »

Ça, nous le sentons de moins en moins confusément que le danger de fascination est extrême. Et que notre évolution pédagogique doit être en relation avec notre prise de conscience politique. Mais avant d’achever de poser en préliminaire un certain nombre de données du problème, terminons ces citations extraites du dossier établi par Gérard Bonnot dans le Nouvel Observateur : « Vingt ans qui vont tout bouleverser ».
« Manifestement, si nous vouions saisir dans toute son ampleur la révolution biologique, il est urgent de revoir de fond en comble nos modes de pensée, comme Edgar Morin a commencé de le faire dans son essai sur « la Méthode ». En nous dévoilant notre nature, la bio­logie nous révèle en même temps qu‘elle est contingente et ne nous dispense en aucun cas de forger nous-mêmes nos propres valeurs. Parce que aucune science, aucune prouesse technique ne peut empêcher qu’il soit aussi dans la nature de l’homme d’être libre. »

Voilà, j’ai donné la parole à des gens qui ont des informations de première main qui peuvent de ce fait nous aider à mieux poser les problèmes. C’est vrai, j’ai effectué un choix. J’aurais pu citer d’autres paroles moins proches de notre sens. Mais celles-là peuvent suffire à nous remettre fondamentalement en route parce qu’elles nous confortent dans la direction où nous étions engagés mais où nous marchions peut-être à trop petits pas.

Les résistances
Mais il ne faut pas se faire d’illusions, nous allons rencontrer encore plus d’obstacles qu’auparavant car les oppositions vont se radicaliser et, même au sein de notre mouvement il y aura des tendances à se réfugier peureusement dans des certitudes ou des refus anciens.

« L’inquiétude est toujours révolutionnaire mais le problème pourrait se poser de savoir qui est inquiet, qui subit l’inquiétude et qui l’exploite et en profite... »
« Ce qui pourrait, en particulier, constituer un problème est la gamme des pesanteurs qui entretiennent l’inefficacité de cette inquiétude ou facilitent son détournement. Cette inquiétude qui ne réussit pas à faire accepter l’inanité de certaines certitudes et donc à entreprendre dans une audace et une patience à toute épreuve de révolutionner les systèmes d’éducation, les systèmes des structures des rapports économiques, sociaux, culturels et politiques au sein des sociétés concernées et au plan international. »
« Tout semble se passer comme si les forces dominantes – les classes, diront d’autres non sans raison – ne se lassent pas de mettre en place des thérapeutiques partielles ou marginales pour entretenir un statu quo intolérable pour les grandes masses, de plus en plus irrespirables pour les jeunesses, rejeté de mille manières dans ses retombées au niveau des rapports internationaux. »
« C’est que l’inquiétude collective semble avoir été érigée en industrie, en plateforme de profits aussi rapides que considérables. Et qui ne connaît les logomachies ou les violences que les forces dominantes utilisent pour droguer ou matraquer les audaces à l’intérieur, imposer ou entretenir ailleurs des directions politiques luxueuses, coquettes mais dociles ? » (Ahmed Ben Salah, Nouvel Observateur, 10-12-1974.)

Les pesanteurs psychologico-pédagogiques
Revenons à notre monde pédagogique.
Peut-on, par exemple, attendre du système qu’il refuse de sélectionner par les maths. Non, il continuera à tricher parce que c’est pour lui le plus facile. Et c’est vraiment tricher car on sait que la caractéristique personnelle qu’il faut posséder pour réussir les tests qui vous consacrent matheux, ce n’est pas d’être capable de répéter des formules de résolution apprises par un bachotage incessant d’exercices. Et c’est d’autant plus tricher que la plupart des activités mathématiques demandées aux promus se résolvent à l’utilisation de l’addition et de la règle de trois.

Par exemple encore, peut-on attendre que les parents acceptent de voir différemment « le » bon cursus scolaire même si quotidiennement ils peuvent constater autour d’eux que leurs valeurs et leurs solutions anciennes sont totalement désadaptées, que même si l’enfant a été mis sur les bons rails dès le CP il n’y aura pas nécessairement au bout une situation merveilleuse et définitive ; que les carrières prestigieuses, c’est révolu, que les métiers vont vers de plus en plus de déqualification et qu’ils disparaissent même.

Par exemple toujours, peut-on attendre que le système de répression des enseignants renonce à croire qu’il peut encore tenir les choses en main, qu’il y a une cohérence certaine et définitive dans ce qu’il faut préserver et ce vers quoi il faut maintenant conduire. Au contraire même, il y a de grandes chances que l’incertitude de la conduite juste à tenir tendra plutôt à renouveler les pratiques anciennes de sécurisation par un renforcement des structures, « comportements fondés sur la plus pernicieuse des maladies politiques, la myopie, qui enferme les forces dominantes dans le refus, le blocage ou le détournement des mutations irrésistibles ou les empêche de les percevoir en dehors des soulèvements, des soubresauts, des révolutions ou des guerres. »

« Et ni le capitalisme traditionnel, ni le capitalisme « avancé », ni le capitalisme socialiste ne réussissent à se libérer de ces comportements et à faire le premier pas qui ouvrirait la grande marche pour la libération des hommes, l’harmonie du monde. Autant le chemin pour cette grande marche est balisé grâce aux découvertes, aux innovations, aux volontés et espérances des peuples, autant les volontés politiques nées d’un monde d’attitudes et d’arrogances si profondément désuètes ne sortent de leurs routines ou de leur ankylose que pour finir dans la concentration du pouvoir et le maraboutisme politique déjà largement répandu en Occident. »

Peut-on attendre que les enseignants déjà si insécures depuis 68 vont renoncer aux positions frileuses qu’ils avaient cependant réussi à rétablir en s’enfermant dans le corporatisme, la politique traditionnelle ou la démission totale ?

Peut-on croire que devant la montée de la drogue, de la violence, de la délinquance, de la folie, des tendances suicidaires, des tentations de radicalisations fascistes, l’ensemble de la société va comprendre qu’il ne s’agit là que d’une façon pour l’être de parler, que ce ne sont que des solutions de remplacement, des solutions à défaut. Face à ces drogues de mort, il pourrait y avoir des drogues de vie basées sur la création, le partage, les résolutions symboliques, les confraternités, les vécus de groupe dialectiquement reliés aux vécus individuels. Non, dès la seconde, on supprime la musique, le dessin, le sport, la danse...

Et pourtant les drogués disent : « Si la vie était autre on n’aurait pas besoin de médicaments ! » Mais les parents ne savent pas encore en refusant de savoir que les trajectoires de leurs enfants qu’ils veulent programmer à ce point – et même dans les activités de loisir – pourront dévier et déboucher sur des fuites imprévisibles qui doivent être utiles aux pouvoirs publics puisque rien n’est fait fondamentalement pour qu’il en soit autrement.

Par exemple, pour finir, peut-on attendre que notre propre organisation dans son ensemble se remette à bouger ?

Lire, écrire, compter...
Il est évident que personne ne peut dicter aux autres ce qu’il faut faire, comment intervenir sur le plan pratique, s’il faut participer à une formation des êtres humains que sont les parents, si on peut économiser du temps, comment pourrait-on greffer les savoirs qui semblent indispensables aux parents sur des activités fondamentales pour l’être de l’enfant. Mais il ne faut pas baisser les bras si les angoisses sont de cette nature, même si elles ne reposent pas sur des bases vraies, il faut en tenir compte. Il faut du calcul, même si l’emploi des calculatrices s’est généralisé, il faut de l’orthographe même si son importance a diminué dans la société, il faut de la lecture, de l’apparence d’histoire et de géographie. Mais tout cela on pourrait le donner à moindre frais sans entamer profondément le développement de l’enfant.

Perspectives... Se remobiliser...
Tout ce qui précède est incrusté de pessimisme mais il ne faut pas s’y arrêter et s’y complaire. Car « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

Si nous savons nous remobiliser dans des perspectives renouvelées ou restées en latence, si nous avons, au moins pour nous, des perspectives de transformation, alors on ne sait pas par avance tout ce que cela peut entraîner. Car si notre action était vraiment intéressante et ouverte, d’autres pourraient nous rejoindre s’ils se trouvaient momentanément dans une impasse.

Car il ne faut surtout pas être manichéiste : tout serait bon ici, tout serait mauvais là. À tous les niveaux existent des contradictions et à tous les niveaux des personnes sont capables d’accepter de se poser les questions que les circonstances exigent et qui peuvent changer leur action. Par exemple, on voit certains parents de drogués dont la rigidité semblait définitive se remettre magnifiquement en cause quand il a fallu le faire. De la même façon, il ne faut pas se contenter de s’opposer au système de répression de l’inspection mais faire évoluer les hommes et les pratiques par une aide aux prises de conscience et une créativité renouvelée.

... remettre en question...
Pour tout cela nous avons à nous inspirer de l’attitude des jeunes. Ils ont su remettre en question beaucoup de valeurs définitives, par exemple, la notion antique de la loi sacrée du travail.

« ... Les jeunes acceptent cet état de choses, certes sans enthousiasme, mais avec infiniment plus de sang-froid que leurs parents, car ils exploitent au mieux la liberté qu’implique une telle précarité. Ils sont généralement moins sensibles à la nature du travail qu’on leur demande qu’à la qualité des rapports humains qu’ils y trouvent. C’est là une attitude intelligente et qui a le mérite de faire évoluer concrètement les mentalités. »
« ... Pour tous, le bonheur familial prévaut largement sur la réussite professionnelle. Ce choix permanent de la qualité aux dépens de la quantité, ce pragmatisme constant, cette lucidité face aux aléas d’une existence difficile prouvent à l’évidence que les jeunes ont su découvrir une forme d’indépendance et qu’ils sont beaucoup moins assistés qu’on ne pense. Par là-même, ils démontrent que la majorité à dix-huit ans n’est pas une hérésie, bien que leur conception et leur pratique de la majorité revêtent un aspect que le législateur n’avait sans doute pas prévu. Cela dit, si la jeunesse souhaite préserver l’indépendance qu’elle s’est inventée, il faudra qu’elle lui consacre beaucoup d’efforts. Or ce courage dont elle devra nécessairement faire preuve, cette maturité véritable demeurent pour l’instant un point d’interrogation. Savoir s’adapter aux vicissitudes du monde est une chose, mais être capable de les dominer en est une autre. » (O.F. Kelmann, Le Monde, 15-11-1979.)

La fin de cet article pose bien le problème de notre place et de notre action en éducation. Mais pour y voir plus clair essayons de rassembler pour nous le remettre sous les yeux tout ce qui vient de nous être dit : « événement considérable ; mutation totale ; autre façon de penser ; autre nature de connaissance ; autre façon d’agir ; former à l’affrontement de l’imprévisibilité ; une formation qui privilégie non la connaissance mais la personne et les communautés auxquelles celle-ci appartient : changement et devoir pour le système mais aussi pour chaque enseignant ; privilégier la responsabilité ; pesanteur du système vers le concentrationnaire mécaniste alors qu’il n’est de raison et de vie que dans l’autogéré vivant ; dur chemin de l’autogestion ; revoir notre mode de pensée ; forger nous-mêmes nos propres valeurs ; il est dans la nature de l’homme d’être libre.

... nous remettre en question...
Est-ce que cela ne nous trace pas un ensemble de directions pour un ensemble de pratiques renouvelées. Mais aussi de nouvelles perspectives pour notre formation (notre transformation).

Que pourrait-on faire ? Il faudrait des pages et des pages pour en faire la description. Mais nous avons plutôt d’abord à le faire, à nous transformer pratiquement personnellement et dans nos communautés, à sortir du cartésianisme étroit pour nous imbiber de dialectique. Par exemple, savoir voir dans l’histoire de notre mouvement la dialectique de nos cheminements : un leader unique (en fait un couple) c’est bien ; puis un autre leader unique, c’est mal ; une égalité d’irresponsabilité, c’est mal ; puis une nouvelle structuration c’est bien parce que l’esprit demeure ; puis ça devient mal par excès d’absence d’une lente formation aux prises de responsabilités ; une idée d’autogestion c’est bien ; une pratique d’autogestion c’est mieux ; une insuffisance d’autogestion c’était mal ; mais un excès d’autogestion imposée brutalement c’est mal aussi ; une progression contradictoire vers l’autogestion c’est bien ; une absence de dossiers dans L’Éducateur c’était mal ; une présence de dossiers c’était bien un moment puis ça devient mal parce que la forme et le langage ne passent plus ; ce qu’il faudrait : peut-être des récits d’expériences de formation ; mais il faudrait veiller pendant un certain temps seulement, etc.

... s’inventer une autre logique... une autre pratique...
Oui, il faut une autre façon de penser. Ce sera difficile : on n’a pas été formé à l’aujourd’hui. Il va falloir inventer des pratiques, multiplier les expériences, les prises de conscience, avoir du courage et de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace car le monde est en danger et nous avons à y tenir notre place, une toute petite place certes mais toute notre petite place. Il va falloir reprendre des expériences abandonnées ou avortées ; former à l’imprévisible par la reprise de structures évolutives ; jouer au foot-rugby, au volley-basket, au volley-peinture qui désclérosent, qui dévalorisent les automatismes ; jouer aux échecs avec un dé qui donne le nombre de cases de déplacement ; reprendre la création mathématique, la formation personnelle, la formation générale collective, les cinq dimensions des matériaux, la prathéorique de l’autogestion du pratique, du créatif, du politique, les groupes de rencontres sans but fixé à l’avance ou avec des buts changeant suivant la progression, des groupes d’interviews à deux, à trois, etc.

Il va certes nous falloir faire des efforts, s’arracher à des routines d’action, de pensée, d’être mais aussi apprendre que le « pied » c’est une bonne façon de faire avancer. Le champ est vaste, on va se mobiliser. Il le faut absolument pour des raisons politiques, professionnelles, psychologiques, affectives, philosophiques.

Paul Le Bohec, Parthenay 35850 Romillé

Texte paru dans l’éducateur n°5, 1er décembre 1980, p.15-17