Voilà un verbe dont on peut difficilement contester l’existence. Il remplit en effet les journaux et, tout particulièrement, les journaux sportifs. Il se trouve relié à « Exister » puisqu’il s’agit généralement de se dégager de la masse en réalisant des exploits. Et on peut même le raccorder également à « Survivre » puisqu’on cherche à laisser des traces dans les mémoires. Un coureur cycliste qui avait failli gagner disait : « Dommage je serais rentré dans l’histoire. » Et en ce temps de centenaire du tour de France, on fait revivre les figures de Blanc, Garin, Victor Fontan, Pélissier, Leduc, Robic, Bobet... etc.
C’est un peu ce qu’exprime Du Bellay qui se plaint de ne plus éprouver : « Cet honnête désir de l’immortalité ! Et cette honnête flamme au peuple non commune... De la postérité, je n’ai plus de souci… »
Mais à côté du désir en fonction des autres se place souvent, et plus fortement encore, le désir selon soi. On veut se connaître, tutoyer ses frontières, tester ses capacités de résistance. C’est ici qu’il faut placer la phrase de Morin :
« L’être humain cherche toujours l’économie, mais il n’a l’impression de vivre que dans l’excès. »
C’est ce qui explique cette recherche constante de fortes sensations. Ian Thorpe, le champion du monde de natation disait récemment :
« J’aime exposer mon organisme, le mettre en péril pour voir jusqu’où je peux aller. Cette recherche de la limite, cette quête du point de rupture ne concerne pas uniquement la compétition. »
De leur côté, certains acteurs de théâtre ne peuvent plus se priver de l’angoisse du trac et flirtent chaque soir avec un possible échec. Dans le film de Bresson : « Le Voleur », le personnage principal n’en continue pas moins à s’introduire nuitamment dans des habitations alors qu’il vient d’hériter d’une immense fortune. Bref, il s’agit de se mettre volontairement en danger, de risquer une blessure et même une mort physique ou sociale pour s’éprouver. Inutile d’insister. Ceci est amplement connu.
Ce qui nous intéresse, c’est l’impact de ce verbe au niveau de l’enseignement primaire. C’est surtout au niveau du risque « social » qu’il se situe. Pour un enfant, la peur des peurs, pour ne pas dire la terreur des terreurs, c’est de devenir le bouc émissaire du groupe. Il semble que ce besoin d’un « en dessous de tout » appartienne à tous les groupes humains. Le danger d’être mis au ban de la société est si grand pour les individus ou les groupes sociaux que certaines communautés élaborent des institutions pour que la majorité se trouve définitivement protégée. C’est ainsi qu’en Inde, on a créé la caste des Intouchables. Et, un peu partout, il y a des exclus, des parias, des vilains petits canards sur lesquels la troupe s’acharne.
Chacun de nous se souvient du rôle que l’on faisait jouer à certains de nos condisciples. Il suffisait d’un petit rien pour que l’on devienne la risée de tous : un détail physique, un nom un peu différent, une mésaventure, des parents comme ceci, un frère comme cela... Je me souviens de L.C. qui avait un pied bot, de « Feuille » qui avait les oreilles en feuille de chou, de Mirasson qui était lent (Limaçon), de C. au nom bitumeux, qu’on appelait « Coltar ». Ceux-là n’avaient pas intérêt à la « ramener », sinon le groupe entier aurait eu vite fait de les remettre « à leur place ».
Mais peut-on y faire quelque chose ? Oui. Assurément. Dans notre groupe d’enfants, Pierrot, le plus jeune, qui nous paraissait aussi le moins futé, aurait pu facilement devenir la victime émissaire. Mais, remarquablement coordonné, c’était le meilleur joueur de foot ; il savait marcher sur les mains et, aux palets, il était le champion. Il n’avait donc rien à craindre. D’ailleurs, le leader incontesté de la bande était très créatif et, grâce à lui, tous les autres se trouvaient trop engagés à égalité dans les jeux pour se soucier d’une quelconque hiérarchie.
Donc, dans un premier temps, pour protéger et armer chacun, on peut se soucier, comme il en a été question à propos d’ « Exister », de multiplier les occasions de réussir. C’est ainsi que dans les classes qui utilisent les « arbres de connaissances », chacun peut se rassurer en consultant son blason. Pour l’enrichir, il lui a suffit de créer un certain nombre de brevets qu’il a passé devant la classe, devant le maître ou devant son père. Et lorsqu’il en devient titulaire, il peut le faire passer à d’autres, ce qui le met en position de dominant : ainsi, au moins dans ce domaine, il a pris « la tête du peloton ». Et il peut très facilement récidiver. Dans ces classes, chacun peut se constituer un semblable capital de réussites puisqu’on peut passer des quantités de brevets non-scolaires : faire tourner une toupie, compter jusqu’à dix en arabe, tenir un balai en équilibre sur son pied, faire des grimaces, savoir piquer une crise de nerfs et se calmer !... Ainsi, si quelqu’un s’avise de peser sur le plateau négatif de la balance, on peut immédiatement placer sur l’autre plateau d’incontestables signes de valeur personnelle. De plus, dans ces groupes, une excellente atmosphère d’échange et de solidarité se trouve très vite établie. Pas d’hésitation : comme on veut beaucoup apprendre, on n’hésite pas à se mettre sous la dépendance de celui qui sait.
Chacun pouvant être ainsi rassuré sur lui-même, il peut alors aller plus avant encore dans l’audace. Mais, cette fois, en dehors de tout souci de valorisation, d’acceptation ou de reconnaissance car il s’agit de se laisser aller à suivre une autre tendance importante de l’être : l’expérimentation. Dans une classe où la pression des jugements a progressivement diminué, on peut oser se risquer à se livrer à des expériences insolites. Et c’est tout bénéfice pour l’apprentissage parce que, comme le dit Popper, les propositions et les conjectures les plus audacieuses sont les plus intéressantes. En effet, elles secouent le groupe et obligent chacun à remodeler ses représentations mentales les plus solidement constituées. Ce qui est tout bénéfice. D’autant plus que l’auteur, profitant des réactions du groupe, peut agrandir son idée ou la quitter pour déboucher sur une piste que le groupe lui a permis d’entrevoir et qu’il juge d’un intérêt supérieur.
C’est ainsi que, dans certaines classes de Cours Moyen, certains élèves osent aborder le métalangage. C’est pourtant très risqué parce que la critique pourrait être virulente : « Vraiment, ça ressemble à quoi ? C’est complètement idiot, c’est délirant, ça n’a aucun sens ! »
Sur le plan du français, on est allé jusqu’à rédiger des textes à inversion : inversion du sens de lecture : « li tiaté enu siof... » ; des syllabes : « mar-mi-te, mi-te ? mar, te-mi-mar... » ; des mots : « la viande met la dame à cuire » – « la pointe enfonce le menuisier dans le bois » des expressions : « une femme en fer forgé » – « une rampe à lunettes » ... etc.
Dans ces classes, non seulement, les auteurs ne courent aucun risque d’être vilipendés pour leurs petites folies, mais ils sont même appréciés pour l’originalité de leur entreprise. Et que de progrès en linguistique et en littérature se trouvent ainsi accomplis à cette occasion parce que l’on s’ouvre à la poésie et que l’on apprécie mieux alors les productions de Prévert, de Pérec, du surréalisme...
Mais avec le « planning de lancement », nous disposons d’un outil qui peut encore favoriser davantage les prises de risque. Dans chaque domaine, il s’agit de réaliser dix premiers petits pas pour obtenir son brevet (qui n’est en fait qu’un certificat de démarrage). La pression du dire est si forte qu’en une demi-heure, les trois-quarts de la classe se sont lancés. Et la découverte de la joie de parler ou de chanter ou de « corporer » ou de... est telle que personne ne se soucie plus de voir monter sa marque sur le panneau. Mais il reste à se préoccuper de ceux qui n’ont pas osé se lancer à improviser. Pour quelques-uns qui étaient tout près du bord, il suffit d’une petite sollicitation supplémentaire pour qu’ils basculent à leur tour. Mais le pas à franchir est trop grand pour ceux qui restent. Insister serait dangereux, car le blocage pourrait être définitif. D’ailleurs, on peut faire confiance à l’existence du besoin universel de dire. Dans une classe expression-création, il trouvera nécessairement sa voie.
En maths, on peut aller encore beaucoup plus loin dans l’audace car la loi du devoir signifier à tout prix n’est pas aussi fortement inscrite dans les esprits que dans celle du langage. Dans ce domaine, l’expression libre est moins corsetée, elle est plus libre-libre.
Voici, par exemple, Denis : en ce début d’année scolaire, son problème principal, c’est la difficulté de ses relations avec son père. À huit ans, aîné de quatre, c’est toujours lui qui est responsable et coupable de toutes les bêtises qui peuvent se trouver faites. Certes, il pourrait lui aussi se servir de l’écrit pour tenter de régler symboliquement cette histoire de mauvaise relation. Mais, pour l’instant, ce n’est pas sa voie. Puisqu’en création mathématique, on peut absolument faire ce qu’on veut, il commence par noircir rageusement des cases. (Pour exprimer le noir de sa vie ?) Et puis, après plusieurs jours de défoulement, il peut enfin voir que son carnet de créations comporte des carreaux. Il se lance alors dans l’aventure des quadrillages. Il fait glisser tous les noirs le long d’un des grands côtés et il peut alors facilement calculer des aires complémentaires de noir et de blanc. Il se passionne pour cela jusqu’à en devenir la référence pour la classe. Je pourrais alors le diriger vers le calcul des aires du parallélogramme, puis du triangle. Non, non, je n’interviens pas, ce n’est pas comme cela que l’on apprend : on ne reçoit pas, on conquiert. Et puis, je suis trop curieux de savoir où il va maintenant diriger ses pas.
– Hé là ! Paul, avec cette histoire de gribouillage, est- ce que tu ne sors pas là du strict domaine du verbe « risquer » ?
– Mais quoi ! On a affaire à des êtres humains et non à des robots préprogrammés ! Et un être humain, c’est « une réunion de complications. » (V.H.) II n’y a pas, il ne saurait y avoir de strict domaine.
Ainsi, après s’être rageusement défoulé en gribouillant son carnet, l’enfant en vient à se glisser sereinement dans la mathématique. Ayant toute liberté de créer ce qu’il voulait, il a pu se risquer à utiliser cette discipline pour régler, puis sublimer son problème en ayant recours pendant soixante-cinq jours ! – à ce procédé de noircissement. Cependant que, parallèlement, tranquillement, dans le reste de sa dizaine de créations quotidiennes, des idées cheminaient et se construisaient jour après jour en catimini, en attendant patiemment ou même léthargiquement qu’il leur soit porté attention.
En méthode naturelle de maths, on n’a pas à se soucier de paraître normal, bien au contraire. On peut même se risquer à suivre ses tendances personnelles même si, considérées isolément, elles pourraient être susceptibles d’être affectées d’un coefficient négatif. L’ « imaginative » qui a mille idées originales en écrit peut, là aussi, se permettre de suivre sa tendance irréaliste ; le « copieur-agrandisseur » pille les autres, mais utilement puisqu’il leur agrandit des perspectives ; l’ « ergoteur-né » critique les solutions proposées par la classe et lui ouvre ainsi des espaces complémentaires. Le « fantaisiste » se marre en imaginant un losange droit d’un côté et courbe de l’autre. Et qui l’empêchera de mettre en son étable, vu le prix à ne pas payer, cette idée folle de vecteurs qui vont à l’envers. Et le « manuel » traduit tout en maquettes de carton.
Oh ! Attendez, voilà que le groupe se ligue contre Mickaël qui prétend lui faire croire que son opération (posée verticalement) kih+kih=2552 est juste. C’est alors que se joue le jeu de la proie et du prédateur. On lui dit :
« h=1. Mais le 5 n’est pas possible parce que ce n’est pas un nombre pair.
– Mais si c’est possible parce que ce n’est pas h=1, mais h=6 ; il y a une retenue.
– Bon, mais comme i=2, 25 ce n’est pas possible parce que ce n’est pas un nombre pair.
– Mais si parce que i, c’est : 7 et, là aussi, il y a une retenue.
– Peut-être, mais 25 dépasse 19 et les chiffres ne peuvent aller que jusqu’à 9.
– Ah ! Oui, c’est vrai. »
Et Mickaël rit parce que, pendant un moment, il a su défendre son hypothèse, il était la proie qui allait se trouver acculée, mais il a inventé un premier subterfuge ; on a alors essayé de le coincer à nouveau et il a trouvé une nouvelle échappatoire. Ainsi, le jeu excitant se poursuit jusqu’au moment il est bien obligé de rendre les armes. En attendant qu’en une autre circonstance, il ne se trouve du côté de ceux qui poursuivent. Tous ces jeux de prises successives de risque développent évidemment l’intelligence des uns et des autres, consolidant parallèlement les êtres et les savoirs.
Oui, mais Gaël, le « libertaire » dit :
« Mais si k était égal à 12 ? »
Clameur généralisée. « On n’a pas le droit de dépasser 9.
– Mais c’est un texte libre, si on se donnait le droit ? »
Vous imaginez la suite : on comprend alors qu’il est nécessaire de bien établir la règle du jeu mathématique en question avant de commencer.
(Et moi, je pense que, trop longuement conditionné au système décimal, j’avais eu un mal fou à accepter ct et P pour représenter 10 et 11 dans le système à base 12.)
Mais il y a une idée que j’ai mis du temps à découvrir : il s’agit du dangereux risque de réussir. Cela dépend du statut dans lequel on se trouve placé. Voilà Julien, seul garçon parmi trois filles. Très souvent, dans cette situation, la mère a un faible pour le garçon. Mais la sienne est débordée. Son mari souvent absent (marin) est, de plus, régulièrement malade quand il est à la maison. Et Julien ne bénéficie même pas du statut de petit dernier puisqu’il y a une petite sœur après lui. Aussi, doit-il faire son profit d’un statut familial de « minable ». Et, « cet âge étant sans pitié », dans la cour et sur le chemin de l’école, trop heureux de découvrir un plus tocard qu’eux, les autres enfants ne lui ménagent pas les avanies…
Cependant, dans un premier temps, comme dans cette classe on dispose de l’expression libre, il n’a pas pu se retenir de dire souterrainement son malheur. Et, en cette occurrence, une première chose le surprend. Au lieu d’être déconsidéré comme il s’y attendait à cause de son très grand nombre de textes libres à catastrophe : orages, naufrages, tremblements de terre, incendies, déchirures, abandons... il en est reconnu comme le spécialiste. Pour la classe, rien que de très normal puisqu’il est libre lui aussi d’écrire ce qu’il veut. Oui, mais pour lui, ça devient dangereux ! Est-ce qu’il ne va pas devenir anormalement normal dans cette classe où chacun se trouve trop rassuré sur lui-même pour avoir besoin de descendre les autres. Est-ce qu’il ne va pas lui falloir reconsidérer son statut de « nullard » qui, jusque-là, lui collait à la peau et dont il s’en était, tant bien que mal, et plutôt mal que bien, à peu près accommodé ? Cependant, comme dans le domaine « littéraire », chacun a sa spécialité, il ne se trouve pas placé au-dessus des autres et peut donc tranquillement continuer à ne pas se faire remarquer.
Toutefois, toujours pour être comme les autres, il est amené à « créer » sur le carnet de mathématiques. Et, pour ne pas se distinguer, il dessine n’importe quoi. Mais, évidemment, sa création se trouve aussi portée au tableau. Et voilà que la classe s’en empare et lui trouve des vertus imprévisibles. L’enfant se trouve alors en grande difficulté : le fait de se trouver valorisé en maths le perturbe grandement. Jusque-là, il s’était à peu près arrangé de son statut familial de « nullard ». Mais, au bout d’un bon nombre de réussites involontaires de ce type en mathématiques, il lui faut absolument reconsidérer sa position. Il est écartelé : faut-il être ou ne pas être l’affreux, le minable, le nul ? Pour lui, la seule solution possible, c’est, à côté du monde négatif de la maison, de se créer un deuxième monde de l’excellence à l’école. Et comme les parents n’en savent rien, c’est d’autant plus vivable que ses pairs du C.E.2 qui lui ont peu à peu reconnu une valeur, le défendent dans la cour et sur le chemin du retour à la maison. Dans une classe où l’individu est pris en compte dans sa globalité, chacun peut ainsi se découvrir des talents qui ne demandaient qu’à se révéler. Et, dans ce deuxième monde de sécurité, l’enfant plus détendu a pu exprimer au maximum des capacités intellectuelles que personne n’aurait pu soupçonner, même pas lui-même. C’est ainsi que l’on devient cygne.
La même année, en « poésie parlée », après avoir longtemps, longtemps hésité, Fabien, un enfant d’une famille très dramatique, s’est un jour décidé à oser risquer une parole terrible. La voici, résumée :
« J’étais au chaud, bien au chaud dans la neige. Mon père est sorti avec une tranche. Il a creusé la neige. Il m’a coupé la tête et je ne voyais plus rien. Il m’a coupé la main et l’autre main et puis après, c’était les deux pieds et je ne pouvais plus bouger. »
Pour lui, énormément de choses changent aussitôt sur le plan de l’écriture, de l’inspiration, et même de l’orthographe. Mais, surtout, il devient le meilleur « mathématicien » de la classe ! Comme quoi, on croit parfois avoir affaire à des enfants opaques et ce ne sont souvent que des enfants obstrués.
On voit comme c’est complexe. Pour le maître, c’est difficile parce qu’il ne sait pas trop comment agir juste. Il n’a d’ailleurs pas à s’en préoccuper. Il doit essentiellement se soucier de créer une structure d’expression et d’accueil. Et c’est à peu près tout. Souvent, c’est la classe rassurée sur elle-même qui sait réagir juste. Cependant, parfois, le maître ne doit pas hésiter à intervenir pour protéger les plus menacés par un démolisseur systématique qui doit alors se trouver une autre façon de parler, plus bénéfique pour lui et pour les autres.
Voilà donc ce que la prise en considération du verbe « risquer » nous a permis d’entrevoir : la nécessité d’oser pour exister et pour apprendre et la possibilité de l’instauration de techniques pédagogiques plus efficaces.
Mais, à nous les enseignants, Bachelard en dit beaucoup plus :
« Il faut rendre à la raison humaine sa fonction de turbulence et d’agressivité. En effet, nous avions pris trop vite nos premières expériences comme des expériences fondamentales. Pour avancer, il a fallu quitter les expériences acquises, aller contre les idées régnantes.
« Que faut-il sacrifier ? Nos grossières sécurités pragmatiques ou bien les nouvelles connaissances aléatoires et inutiles ? Pas d’hésitation : il faut aller du côté où l’on pense le plus, où l’on expérimente le plus artificiellement, où les idées sont les plus visqueuses, où la raison aime être en danger. Si, dans une expérience, on ne joue pas sa raison, cette expérience ne vaut pas la peine d’être tentée. »
« Que ferais-je en effet d’une expérience de plus qui viendrait confirmer ce que je sais et, par conséquent, ce que je suis. Toute découverte réelle détermine une méthode nouvelle, elle doit ruiner une pensée, l’imprudence est une méthode. Il n’y a que l’imprudence qui peut avoir du succès. Il faut aller le plus vite possible dans les régions de l’imprudence intellectuelle. La connaissance a quitté les rives du réel immédiat. »
« L’être vivant se perfectionne dans la mesure où il pense relier son point de vie fait d’un instant et d’un centre à des durées et à des espaces plus grands. » (Le surrationalisme, repris dans l’engagement rationaliste, P.U.F. 1972)
Ah ! Relier ses points de vie faits d’un instant et d’un centre. Chez nous, l’être vivant devrait le pouvoir.
Paul Le Bohec
Texte paru dans Coopération Pédagogique n°126, septembre 2003, p.3-6