Les réflexions de Paul Le Bohec sur la liste Freinet
Tout ce déploiement, ce grand arroi pour si peu de résultats !
Premier point : différence entre apprentissage et enseignement.
Les recherches décrivent avec précision et de façon robuste, les composantes de l'apprentissage de la lecture. Mais elles sont beaucoup plus évasives sur son enseignement.
Savoir qu'un apprentissage suppose nécessairement le montage des correspondances entre phonèmes et graphèmes ne dit rien sur les procédés par lesquels le maître fera parvenir ses élèves à ce résultat.
Certains experts ont précisé dans leurs réponses qu'ils ne s'appuyaient pas sur des résultats de recherche, mais sur leurs impressions personnelles.
C'est facile de comprendre les raisons de ces maigres résultats. Quand il s'agit de travailler sur la matière inerte de la lecture : phonèmes, graphèmes, lexèmes, morphèmes... un chercheur peut délimiter nettement son mètre carré –son pré carré– où il pourra gratouiller en toute tranquillité sans avoir à se préoccuper de savoir si ce m2 est en pente, à l'abri d'un talus, parcouru par un filon ou plusieurs, nourri par de souterrains courants d'eau, bref sans absolument tenir compte de la contingence.
Mais quand il s'agit de travailler sur du vivant, c'est une autre affaire : cela fluctue, le mètre carré respire, il s'agrandit, il diminue, il s'en va, il revient, il est envahi, etc. Mais comment donc le fixer ?
Il faudrait instituer une université de la complexité.
En attendant qu'elle se mette en place, nous allons continuer à nous contenter de notre université Freinet.
Paul Le Bohec
Texte paru dans Coopération pédagogique n°130 février 2004