Face à un tel titre, le lecteur se pose immédiatement trois questions :
Qu’est-ce que la pédagogie Freinet ? Qu’entend-on par aspects politiques ? Quel est l’auteur de l’article ?
Je réponds tout d’abord à la question de l’auteur : il ne s’agit ici que du point de vue d’un individu qui, malgré sa longue collaboration avec Freinet, n’est nullement qualifié pour parler au nom de la pédagogie Freinet. D’ailleurs personne d’autre que lui n’est plus qualifié pour le faire car la pédagogie Freinet est un ensemble d’une grande complexité et en constante évolution. Elle comporte tant d’éléments complémentaires et, même, contradictoires qu’il est impossible à un enseignant de la pratiquer dans sa totalité. – Mais un groupe d’enseignants peut s’organiser pour en assumer les principaux aspects. –
On a été jusqu’à dire que la pédagogie Freinet n’existait pas mais qu’il y avait des pédagogies Freinet. En fait, il s’agit plutôt de dominantes que les praticiens reconnaissent généralement, même s’ils s’inscrivent plus fortement dans l’une ou dans l’autre.
Une des premières dominantes, c’est l’expression-création. Arrêtons-nous-y un instant car c’est l’un des points fondamentaux de la P.F. Elle prend en compte le désir d’expression de tout être humain. Et ce désir est si impérieux qu’il provoque une souffrance intolérable lorsqu’il ne peut se réaliser. D’ailleurs, il tente aussitôt de s’épanouir dans des formes telles que : agressivité, délinquance, maladie, dépression, folie, suicide, crime, qui ne peuvent que se retourner contre celui qui les a choisies. Mais, heureusement, il est dans la possibilité de la P.F. de proposer d’autres voies de réalisation.
Examinons un peu cette expression-création. Elle m’apparaît comporter au moins, deux dimensions : une dimension d’extériorisation nécessaire et une dimension de compréhension du monde environnant. Ou, si l’on préfère, elle peut être un cri ou une parole qui soutient une pensée.
Au cours de sa vie et, particulièrement, au cours de son enfance, l’individu reçoit une quantité d’agressions de la part du monde extérieur. Cela perturbe énormément et, souvent longuement, son monde intérieur. Pour trouver son équilibre, il est dans la nécessité absolue de répercuter vers l’extérieur ce qui l’a percuté intérieurement. Ou, pour dire autrement les choses, tout ce que les événements de la vie impriment en l’être doit être nécessairement exprimé. Cela peut se faire par la parole, évidemment, mais également par l’écriture, le dessin, le chant, l’expression corporelle, la musique, le théâtre. Mais cela peut se manifester aussi dans des prises de responsabilité, des organisations d’atelier des réalisations manuelles, des recherches...
Ceci pour la première dimension de l’expression-création. Il y en aune seconde. En effet, il est également dans la nature de l’esprit humain de chercher à mettre de l’ordre dans le chaos qui l’environne.
Cette fois-ci, il s’agit d’une mise en ordre du monde extérieur. Celui-ci serait absolument invivable si, peu à peu, on n’en découvrait pas les lois, si on n’apprenait à y discerner des structures pour mieux s’en protéger et pour mieux le dominer. Cette fonction de compréhension s’exerce très tôt dans la vie. Elle se manifeste certainement au niveau des enfants par une constante émission d’hypothèses scientifiques, linguistiques, mathématiques, philosophiques... Mais, trop préoccupés par leurs propres projets, les adultes ne savent pas prêter suffisamment l’oreille. Et pourtant, la « révolution copernicienne » apportée par Freinet, c’est précisément de faire de ces hypothèses la source du savoir de l’individu, c’est de placer l’enfant au centre de sa culture. Par le seul fait de vivre, l’être accumule une quantité extraordinaire de données bien intégrées. Il serait insensé de négliger tous ces éléments dont il dispose pleinement et qui l’intéressent au premier chef. Ce serait d’autant plus dommage que c’est spontanément, pour ne pas dire automatiquement, qu’à partir de ces données l’être humain se met en marche sur le chemin de la connaissance.
Mais, attention, il ne faut pas laisser l’enfant à ses seules ressources ; il ne faut pas l’abandonner, sinon il risquerait de sombrer dans une misère intellectuelle. Il doit être nécessairement accompagné. Pour cela, la première chose à faire, c’est de créer un environnement qui permette l’émission des hypothèses. En effet, quand l’enfant a une première intuition d’une hypothèse, au dedans de lui-même, il ne s’en distingue pas très bien, il fait corps avec. Mais le seul fait de l’exprimer lui procure une sorte de recul par rapport à la chose pensée. Pour la première fois, il la voit de l’extérieur, ce qui lui permet de procéder à une première critique et, souvent, à une première rectification.
La seconde étape, c’est l’apport des camarades. On pourrait même, à cet endroit, parler d’une petite « communauté de jeunes chercheurs scientifiques ». La moindre des hypothèses peut y être émise sans crainte. Mais, évidemment, elle reçoit immédiatement une critique de la part des autres petits chercheurs. Comme les contestations, les objections, les démentis sont exprimés dans la seconde qui suit, les progrès dans la prise de connaissance de la réalité des choses sont très rapides. Il n’y a plus besoin d’attendre que les hasards de la vie se chargent de corriger les idées erronées ; on ne se fonde pas sur une critique aléatoire.
Donc c’est clair : émissions d’hypothèses personnelles, première critique personnelle et critique du groupe. Mais, attention, les « communautés de recherche scientifique » ne se constituent pas du premier coup. En effet, il ne faut pas se dissimuler que la critique peut être soit subjective, soit objective. Car, pour retrouver son équilibre intérieur, l’être humain peut aussi utiliser l’ironie ou la moquerie aux dépens d’un plus faible que lui. Rabaisser les autres, ça peut être une façon de se rassurer, de savoir qu’on n’est pas au bas de l’échelle. Donc la critique peut avoir deux faces : elle peut chercher à agresser la personne émettrice d’hypothèses ou bien elle peut se contenter d’examiner objectivement le contenu rationnel de la proposition. Il y a donc là une difficulté. La P.F. la résout en proposant au petit chercheur des activités d’expression symbolique qui diminuent les tensions affectives et en lui offrant un éventail très large d’occasions de réussir qui peuvent le rassurer sur sa propre valeur. Alors ses partenaires et lui-même deviennent disponibles pour la recherche et l’acquisition des connaissances indispensables à la survie.
Bon, faisons le point : donc, si quelque part, les problèmes affectifs sont pris en considération et traités positivement, le groupe peut apporter sa critique objective. Cette critique de groupe est importante. Sur le plan de l’efficacité, elle se place immédiatement après la critique personnelle. Oui mais, et la critique de l’adulte ? Doucement, doucement, regardons bien les choses. Il est évident qu’un groupe d’enfants ne peut tout découvrir, tout réinventer par lui-même. À un moment donné, il lui faudra bien aller puiser dans un savoir entreposé quelque part, par exemple, dans les livres, les brochures, les dictionnaires, les bibliothèques... les ordinateurs... Dans cette recherche d’informations, il ne faut pas, là encore, que l’enfant soit abandonné. Heureusement, il y a l’adulte. N’est-il pas aussi une source importante de savoir ; n’a-t-il pas vécu, lu, su, retenu ?... Attention, l’adulte est également un être humain, ce qui ne simplifie pas toujours les choses, d’autant plus qu’il pourrait être tenté d’abuser du pouvoir que donne le savoir – On pourrait peut-être simplifier les choses en se préoccupant d’offrir également à l’adulte des territoires de réalisations subjectives qui lui permettraient d’avoir des comportements objectifs vis-à-vis des enfants. Mais ceci est un autre problème. – Contentons-nous d’examiner ici certains types de comportement que l’adulte devrait avoir s’il avait vraiment souci de préserver l’appétit de connaissance de l’enfant. La première chose à faire, c’est de ne pas trop se précipiter pour fournir les réponses à l’enfant ou au groupe d’enfants. En effet, l’essentiel est que les questions soient d’abord correctement posées. Et elles doivent avoir déjà suscité un début de recherche suffisant pour que les réponses soient immédiatement comprises et, même, assimilées. Le second souci à se faire, c’est d’aider les enfants à conquérir leur autonomie dans la construction de leur savoir. Car il leur faudra bien, un jour, se débrouiller seuls. Donc, le pédagogue, en particulier, doit mettre à la disposition des enfants des sources de connaissance dans un langage qui leur soit directement accessible. C’est pour cette raison que, très tôt, Freinet s’est préoccupé de constituer une « bibliothèque de travail » adaptée aux différents âges (BTJ-BT-BT2 etc.)
Il appartient également au pédagogue d’avoir une grande ouverture d’accueil et d’être continuellement en train de se cultiver lui-même – lui aussi à partir de sa propre réalité, de ses propres hypothèses, dans un groupe accueillant et critique, par exemple, un mouvement pédagogique –. De cette façon il saura mieux ce qu’il doit proposer aux enfants, il pourra élargir l’éventail de leurs recherches pour les faire accéder à des savoirs dont il aura compris la nécessité. Mais ce souci d’ajustement à la réalité mouvante ne doit pas être prématuré : il y a une sorte de hiérarchie des cultures : la culture propre de l’enfant, la culture de ses pairs, la culture des adultes qui écrivent pour les enfants, les cultures locale, régionale, nationale, universelle. Toutes ces cultures étant évidemment en interactions rayonnantes.
Il ne faudrait pas croire qu’il ne s’agit là que d’une vision théorique. Cela a été expérimenté pendant soixante années. C’est ainsi qu’a été développé, à partir de l’expérience initiale de Freinet, l’apprentissage de l’écrilecture où la pensée qui se construit et le signe que l’on découvre et que l’on réutilise sont en rapport dialectique (voir « La méthode naturelle, le langage » de C.Freinet, éd. Marabout et « Pour une méthode naturelle de lecture » Casterman). On sait également, en mathématique par exemple, qu’on peut envisager les choses de la même façon.
Il ressort de tout ceci que le seul examen de la dominante expression-création nous permet de voir que la pédagogie Freinet se préoccupe constamment d’offrir la possibilité d’une autonomie dans la conquête du savoir afin de soustraire les enfants au pouvoir des « dominants-par-le-savoir » et à celui des « supposés sachant ».
Mais ma très longue pratique de l’expression-création – qui se poursuit d’ailleurs activement au niveau adulte – m’a permis de découvrir une dimension qu’une expérience limitée aurait laissée dans l’ombre. C’est la puissante rééquilibration qu’elle peut aussi offrir au sein d’un groupe accueillant. On ne sait pas très bien comment cela se passe mais, incontestablement, l’individu utilise souvent les possibilités qui s’offrent à lui pour opérer de constantes régulations internes (voir « Les dessins de Patrick », Casterman). On est d’ailleurs loin d’avoir tout exploré dans ce domaine.
On conçoit très bien que la santé intellectuelle d’un individu puisse être en relation avec sa santé psychique comme elle est avec sa santé corporelle. La pédagogie Freinet prend l’être dans son unité, dans sa globalité. On ne peut négliger aucun aspect. Mais à l’école, au niveau psychique, les choses ne peuvent progresser que légèrement, quotidiennement, macroscopiquement, sans qu’on ait même à s’en soucier, par la simple pratique de l’expression libérée.
On peut maintenant s’intéresser à la seconde dominante : la communication. Il est certain que c’est déjà bien de pouvoir s’exprimer seul ou dans un groupe. Mais si la parole peut être répercutée au loin, cela multiplie les profits de l’expression – « si on dit à plus, on dit plus » – C’est pour cette raison que la correspondance ou la diffusion d’un journal scolaire peuvent rendre de grands services. Avec la correspondance, on sort de soi et, surtout, on échange. Inutile de s’attarder sur la possibilité, au niveau de l’imaginaire, d’un échange avec un double lointain, un alter ego fictif, une famille rêvée. Même si cela existe, on ne peut le contrôler. Tournons-nous plutôt vers la réalité de la correspondance qui permet de travailler pour un autre, d’avoir souci de l’autre, de s’obliger à organiser sa pensée pour que l’autre puisse la saisir. Elle permet aussi de connaître l’autre, de lui accorder le droit d’exister dans sa différence, d’avoir accès à d’autres façons de vivre également justifiées. On agrandit ainsi l’ouverture au monde, on augmente l’intercompréhension, on débouche sur une véritable « éducation à la paix », si nécessaire dans le monde où nous vivons. Il y a plus : accepter l’autre dans ce qu’il est, dans ce qu’il devient, cela conduit automatiquement à un réexamen de ce que l’on est, de ce que l’on devient, que l’on soit individu ou groupe. Les multi-correspondances, les échanges, les rencontres, les communications empêchent le repli frileux sur soi-même.
Ceci n’est qu’une première dimension : il y a aussi celle de l’acquisition indispensable de connaissances. À ce propos, on peut dire qu’une correspondance provoque des quantités de déclics. Là aussi, l’envie de se dire oblige individus et groupes à réfléchir sur eux-mêmes, à mieux se connaître dans leurs particularités sociologiques, historiques, géographiques, anthropologiques, ethnographiques... Il y a ainsi une provocation à une meilleure saisie de ses particularismes et de ses déterminants. Mais il y a plus : sur le plan de l’acquisition du savoir, il y a également, à cette occasion, une émission d’hypothèses, de problèmes, de solutions. La correspondance permet d’obtenir plus rapidement de meilleurs résultats. En effet, « c’est quand on explique qu’on comprend ». L’effort d’organisation à réaliser pour que le message soit compris oblige à une mise en relations des éléments perçus et à un ordonnancement de ces relations. Et, de cette façon, on se forge plus rapidement des grilles de lecture du monde.
Autre provocation, surtout dans une classe : l’information du cheminement des autres peut conduire à examiner des domaines que l’on n’aurait pas spontanément explorés. Et la communication de leurs questions ou de leurs résultats peut provoquer un fourmillement de recherches nouvelles, d’explorations, d’éclosions d’idées latentes, de tentatives de vérification, de contestations, de discussions qui alimentent à leur tour l’échange. Il se produit des déclics et aussi une critique à plusieurs niveaux, en particulier, une critique « personnelle » du groupe lors de la mise au point définitive avant l’expédition du message, une critique des correspondants et une critique de la documentation qu’on a été amené à consulter. On voit par ces quelques lignes que s’il est impossible de pouvoir axer tout l’enseignement sur la correspondance, il faudrait, à un moment de la vie scolaire que tous les enfants puissent y goûter, au moins une année.
Voyons maintenant la troisième dominante : l’étude de l’environnement. Nous venons déjà d’en parler abondamment mais plus au niveau du déclic que de sa réalisation. La particularité de la pédagogie Freinet, dans ce domaine, c’est de ne pas se contenter d’un savoir au niveau des seuls mots. Pour elle, dans un premier temps, c’est la réalité elle-même qui peut enseigner, c’est la réalité palpable et non fictive, ce sont les objets, c’est le métal, la pierre, le bois, le carton, la terre, les plantes, les animaux, les autres, les groupes... qui peuvent donner les utiles premières leçons. C’est aussi la maîtrise des outils, l’observation des phénomènes vivants, la réinvention, le fait « d’être de la partie » qui permet de progresser. Évidemment, plus on avance en âge et en expérience et plus on est à même d’étendre plus loin le regard et d’aborder des ensembles plus complexes. Là aussi, on sent le souci de progresser en agrandissant le cercle à partir d’un centre. On se met d’abord en marche sur sa proximité, puis on agrandit son rayon de vision, d’action et de pensée.
Soulignons en outre combien le contact avec la réalité matérielle peut être parfois rééquilibrant. Et dans notre époque d’incertitude, de profusion des images, de dispersion extrême, de décentration de l’être, il est peut-être devenu nécessaire et même vital de redevenir homo faber et de faire fonctionner à nouveau les mains et le corps qui n’auraient jamais dû cesser de le faire.
Il convient maintenant d’aborder la quatrième dominante : l’organisation coopérative de la classe. Donc, au départ, si on a bien joué le jeu de la vie il y a cette floraison de désirs d’expression, de création, d’action, de production, de recherche, de rencontre... Comment s’arranger pour qu’ils puissent se trouver réalisés au mieux des intérêts de tous. C’est qu’on est obligé de tenir compte des autres : ils existent aussi avec leurs désirs propres, quelquefois parallèles, quelquefois complémentaires mais, assez souvent antagonistes. Il faut donc qu’une organisation, non seulement matérielle, mais « sociale » se mette en place. Qui la mettra en place ? Ce peut être l’adulte qui installera les choses à partir de son projet propre. Mais il peut penser également qu’il est nécessaire de permettre aux enfants de jouer le jeu de la démocratie. Et ça ce n’est pas simple. Car, une fois de plus, il ne faut pas, là encore abandonner les enfants. Il faut les aider dans la conquête de leur autonomie sociale, dans leur apprentissage des compromis, du respect des règles établies, de la remise en cause de ces règles, de la création de moments de régulation, d’institutions adaptées, etc.
Dans cette perspective, la part de l’adulte est très grande et difficile à jouer : il a tout à faire pour favoriser la disponibilité sociale en permettant au niveau de chacun la détente que peut apporter la réassurance, la reconnaissance de soi. Mais il faut peut-être, préalablement, se préoccuper de régulations internes par l’expression-création. D’autre part, si on a à respecter, en grande partie, le cheminement propre du groupe, il faut se soucier néanmoins de signaler de nouvelles pistes, il faut parfois en ouvrir de sa propre autorité, et, à certains moments même, il peut devenir nécessaire d’imposer les choses à réaliser. Car l’adulte ne doit pas démissionner de ses responsabilités ; son expérience de la vie et le cours de ses réflexions peuvent parfois lui suggérer de programmer des études que les enfants ne ressentent pas comme nécessaires. Mais comment établir la juste mesure de l’intervention adulte ? Et, en outre, il faut parfois intervenir pour protéger les faibles des leaders oppressifs qui devraient pouvoir résoudre leurs problèmes autrement que par un excès de pouvoir. On le voit, rien n’est simple en éducation : on ne peut d’ailleurs dans ce domaine que réussir à moitié. Mais si on cherche à progresser, si on fait partie d’équipes de recherches et d’action, alors on peut tout de même faire du bon travail de préparation à la vie. – Mais c’est la vie qui décidera. –
Maintenant, on peut revenir aux trois questions initiales :
L’auteur ? Ce n’est certes pas le représentant de la pédagogie Freinet et il ne peut que donner son point de vue (discutable).
La pédagogie Freinet ? Cet article aura peut-être contribué à la mieux appréhender.
Reste donc le troisième élément du titre : les aspects politiques.
Il faudrait d’abord définir ce dernier mot. Laissons ce soin au lecteur : il est assez autonome pour décider comment il l’entend. Organisation de la vie dans la cité ? Fixation et circulation des pouvoirs ? Organisation des producteurs face à la nature ?...
Contentons-nous de souligner un peu ce que la pédagogie Freinet cherche, entre autres choses, à offrir aux enfants :
- Droit à une parole personnelle.
- Droit à une expression artistique personnelle en dehors de toute règle ou de tout critère de jugement.
- Droit au mode de communication de son choix.
- Possibilité d’utiliser l’expression-création pour s’équilibrer et améliorer sa santé psychique.
- Reconnaissance de l’importance de la main et du corps.
- Aide à la conquête de moyens d’expression et de création adaptés à la personnalité de chacun et à ses besoins sans faire dépendre l’expression-création de l’acquisition préalable d’éléments techniques.
- Droit d’accès à la culture à partir de ses propres bases.
- Aide à franchir les étapes de la culture en allant du plus personnel au plus universel, dans un rapport constant et dialectique entre les différentes phases.
- Droit pour les groupes d’accéder à leur propre culture dans les mêmes conditions de départ, de développement, d’échange et d’aboutissement.
- Droit à la reconnaissance de toute culture, qu’elle soit savante ou populaire.
- Droit d’accès à la connaissance des règles de fonctionnement des groupes.
- Aide à l’entrée en relation avec l’autre, avec les autres.
- Aide au développement de l’esprit de solidarité.
- Accès à la communication généralisée par l’envoi et la réception de messages.
- Aide à la réflexion sur les conditions d’existence des autres et sur les siennes propres.
- Accès à une connaissance scientifique du monde, intégrée à l’humain.
- Entraînement à la participation à la vie des groupes, à la vie de la cité. En saisir les étapes de développement, faire le point, réfléchir.
- Participation à la vie des groupes, à la vie de la cité. En être un élément utile, actif, coopératif, parfois moteur, responsable.
- Droit à des formateurs eux-mêmes en marche, équilibrés, actifs, coopératifs, responsables...
Maintenant, il appartient au lecteur de décider si on a répondu positivement à la question contenue dans le titre de cet article. Et il lui appartient également de décider de se mettre en marche au niveau des actes, s’il l’estime nécessaire.
Paul Le Bohec
Texte paru dans le Bulletin des Amis de Freinet N°51, Juin 1989, p.9-19