Nos programmes, nos instructions
Cette série d’articles publiée cette année dans L’Éducateur va-t-elle entraîner l’ouverture d’un chantier d’approfondissement prathéorique du tâtonnement expérimental ? On ne peut le savoir encore. Mais il n’est pas trop tôt pour tenter de mettre en place l’examen des conséquences qu’entraînerait sa réelle prise en compte dans l’éducation.
Si notre réflexion commune nous fait comprendre qu’il faut permettre au T.E. (tâtonnement expérimental) de se donner pleinement libre cours parce que c’est vraiment le mode d’acquisition des savoirs de l’être humain, cela va nous conduire à des changements qui pourraient aller jusqu’à risquer de transformer les mentalités. Car il faut bien le reconnaître, l’école actuelle ne tient pas du tout compte de l’idée de Freinet.
Mais avant de commencer à y regarder de plus près, posons-nous une question préalable.
Qui décide actuellement de ce que doivent être les programmes ? Qui donne des instructions ? Qui, sinon des personnes qui se trouvent quelque part, non pas là-haut, dans quelque olympe ministérielle mais, semble-t-il, ailleurs ?
Puisque l’époque permet de voir partout s’ouvrir des questions qui avaient été soigneusement fermées jusque-là, nous pouvons y aller, nous aussi, de notre interrogation : qu’est-ce que c’est ce système où ce sont des hommes de soixante ans, sinon soixante-dix qui décident de ce que doit être l’école ? En vertu de quels pouvoirs ? En vertu de quels droits ?
De plus en plus, maintenant, nous voyons de simples « citoyens » revendiquer le droit à la parole, le droit à la participation aux décisions. Est-ce que nous ne devons pas nous préoccuper également de faire entendre la parole aux usagers de l’enseignement : celle des enfants et des enseignants ?
Les enfants d’abord ! Ce sont eux qui vivent leurs vies, qui sont insérés dans leur époque, qui pourraient avoir des désirs à réalisation immédiate et non différée par contrainte. Il est capital, maintenant, que les jeunes puissent avoir des désirs propres, des désirs bien à eux. Car on n’a plus, maintenant, à imaginer les solutions ersatz dont parlait Freinet, celles dans lesquelles les êtres se réfugient quand ils n’ont pas la possibilité de vivre leur vraie vie. En effet, il suffit de regarder autour de nous pour constater que la technologie moderne fournit maintenant des moyens de décrochage du réel qui peuvent conduire à des extrémités dramatiques.
Aussi, tous les gens de cœur, les parents en premier lieu, devraient comprendre que les attitudes rigides de leurs propres parents ne sont plus transposables et qu’il faut veiller à ce que, quelque part, les enfants aient quelque plaisir à vivre. Il faudrait même qu’ils puissent se construire leurs savoirs dans la ligne de leurs pulsions.
Écoutez :
« Il faudrait des réponses, un monde où trouver des justifications, des projets, la liberté des expériences et une place offerte. Du sens à vivre cette saison des attentes, l’adolescence. Mais ils parlent tous d’un monde provocant, fermé, décourageant. Un monde fini, un monde à fuir. L’âge des failles rencontre le monde des manques. Manque de perspectives. Manque de rêve. Manque de temps de vivre, de parler. Manque de liberté.
Autrefois, on était moins dans l’inquiétude. Maintenant, on sait qu’on pourrait mieux répondre. » (La raison du plus fou, Daniel Karlin, Tony Lainé, Ed. Sociales)
Programmes naturels
La première chose à faire, c’est de se placer dans la ligne de Freinet : s’intéresser aux intérêts des enfants. Et bâtir avec eux les « programmes naturels ».
Nous utilisons cette expression depuis deux années. Elle est contestable, elle peut prêter à confusion. Mais c’est pour distinguer les choses. Pour dire qu’il va s’agir d’autre chose, pour se démarquer de l’habitude scolaire. Précisons également qu’il s’agit de la nature 1978 avec tout son poids de réalité et aussi d’irréalité physique et matérielle et son environnement contradictoire de facilités, de contraintes, d’assistance et d’angoisse.
Il faut donc, dans un premier temps, enquêter sur ce que les enfants font « naturellement » aujourd’hui, ce qui subsiste des activités d’autrefois, ce qui est nouveau, ce vers quoi ils tendent, ce qui est bénéfique pour eux. Mais n’y a-t-il pas des choses dangereuses : un excès de télé, un excès de bonbons, un excès d’assistance, un excès d’enfermement ? ... Quand certaines tendances néfastes commencent à s’installer, comment peut-on susciter des tendances favorables de substitution ? Il faudrait songer à apporter des correctifs, des palliatifs. On pourrait organiser les milieux.
Dans le n° 15 de L’Éducateur 76-77, nous avons donné deux exemples de programmes naturels avec des enfants de 2 à 3 ans et des enfants de 8 à 9 ans. C’est, si on veut, une liste d’activités dans lesquelles il faudrait faire le tri de ce qui est souhaitable, de ce qu’il ne faudrait surtout pas oublier à tel ou tel niveau d’âge. Ce qui nous conduirait à réorganiser les temps, les espaces, les circonstances.
Et on verrait alors quelle folie représente l’exigence de l’apprentissage de la lecture dans le CP actuel. Tant qu’on n’aura pas fait sauter ce verrou, rien de sensé ne pourra être envisagé à l’école. Actuellement, tout est démoli par cet anachronisme imbécile. Notre réflexion pourrait nous amener à comprendre et à faire comprendre que si on veut donner toutes ses chances à l’être, il faut écarter tout ce qui peut le détourner de la mise en place des éléments nécessaires à la construction de sa personnalité, non seulement de producteur, mais également, et peut-être surtout, d’être humain.
Déjà en reportant les exigences actuelles de lecture au niveau, non pas d’une division, mais d’un cycle de 5 à 8 ans par exemple, cela permettrait bien des choses. Et la lecture elle-même en serait bénéficiaire.
À ce propos, voici un extrait de L’Anthropologie du geste de Marcel Jousse (Voies ouvertes, Gallimard) :
« L’enfant qui n’a pas encore été dans notre « algébrose » éprouve ce besoin mystérieux de créer que nous trouvons dans toutes les civilisations à leur aurore. Contrecarrer pareille ivresse d’extra-réjection, c’est risquer de briser l’enfant et le rendre anormal. C’est précisément parce que ce fait n’a pas été connu qu’on a arraché l’enfant à sa spontanéité extra-rejectante pour le mettre tout de go dans ce qui est le fin de l’expression humaine : notre écriture.
C’est là encore que l’anthropologie aurait sa délivrance à accomplir. L’écrit ne devrait être imposé à l’enfant que lorsqu’il s’est épanoui dans toutes ses possibilités gestuelles de rejeu.
En pédagogie, le jeu humain est supporté, il n’est pas encore utilisé. Le dessin n’est considéré que comme un amusement ou un entraînement à l’art. Ce n’est pas le jaillissement de la vie...
C’est cette élaboration personnelle qu’on a trop tendance à oublier quand on jette l’enfant dans la musique morte avant de lui avoir laissé jouer le maximum de sa stylisation orale et de sa mélodisation vivante en écho du réel sonore.
Sclérosés par nos méthodes livresques et artificielles, nous ne comprenons plus que fondamentalement, l’Anthropos a besoin d’être en face du réel pour qu’il l’informe, l’assiège, le contraigne. C’est cela que recherchent les vrais savants et, disons-le, les vrais artistes. »
Programmes profonds
Voilà donc les enfants autorisés à vivre leur vie et à s’intéresser à ce qui les intéresse.
Mais la plupart des adultes vont se mettre à trembler : « Alors, ils ne vont rien faire, ils vont s’amuser. »
Là aussi, il y aurait un vaste chantier d’explications à mettre en route. Il faut donner à comprendre que lorsque les enfants font avec passion ce qu’ils aiment, ils ne s’amusent pas, ils ne se distraient pas : ils travaillent. Mais, d’abord, à leur compte. Il faut expliquer également qu’une activité est faite de composantes et donc de possibilités de disjonctions et de conjonctions ; que le plus court chemin d’un point à un autre, c’est la ligne brisée quand on court sur cette ligne au lieu de se laisser traîner en rampant sur la ligne droite ; qu’il faudrait apprendre à laisser jouer la dialectique.
Nous ne sommes actuellement que quelques-uns à l’école moderne à pressentir ce que pourrait être la dialectique. Nous avons d’abord toute une formation à nous donner à nous-mêmes avant de songer à la partager avec d’autres.
Mais laissons cela et revenons à ces programmes profonds qui concernent la deuxième catégorie d’usagers de l’enseignement : les enseignants.
Ils ont une première tâche : enquêter sur les programmes naturels et en tirer les conséquences. Et une seconde, plus importante encore.
En effet, ce sont des adultes. Ils ont vécu et ils peuvent donc savoir ce que les enfants ne savent pas encore parce qu’ils ont une expérience personnelle, et parfois cuisante, de ce que donnent les frustrations et les manques quand ils ne sont pas comblés à telle ou telle période de la vie, avant le seuil critique. C’est qu’il y a peut-être un moment où il est trop tard, un moment où les enfants peuvent voir se fermer devant eux des portes définitives. Alors qu’il suffit peut-être de greffer très tôt de vraies petites expériences pour que les portes restent entr’ouvertes.
Il faut donc une seconde série de programmes. Je sais que certains camarades vont crier. Pour moi, ce sont des extrémistes : ils disent que tout doit être libre. Ce n’est pas ma position. Comment pourrait-il y avoir développement dialectique s’il n’y a pas un certain lien unitaire entre nécessités et libertés ? Et je vais jusqu’à penser à l’obligation de certaines activités que les enseignants se donneraient la responsabilité de mettre en place. En effet, il ne s’agit pas de laisser les choses aller. Il faut se soucier d’y jeter un regard pour voir si les domaines profonds sont bien recouverts. Par exemple, il n’est pas absolument nécessaire que l’enfant manipule la laine, la ficelle, l’élastique, l’ouate, les baguettes de bois, le fil électrique, le modelage, le meccano... pour que l’on soit rassuré sur son accès à la dextérité manuelle. Il suffit qu’il se soit investi dans deux ou trois activités de ce type sur les cent qui sont possibles.
C’est qu’il y a bien autre chose à mettre en place ; par exemple : l’accès de chacun à la parole, à l’organisation, à la manipulation, à l’expérimentation, à l’affrontement, à l’aide, à la prise de responsabilité, à l’autonomie, à l’expression personnelle, à la vie de groupe, à la trajectoire mathématique personnelle, à la participation critique.
L’étude de ces programmes profonds pourrait constituer un chantier aussi vaste que celui du P.E.P. (Perspectives de l'Éducation Populaire). Il se situerait d’ailleurs dans son prolongement.
« Programme » personnel
J’aurais abandonné cette idée ancienne si, récemment, les émissions et le livre de Karlin et Lainé ne l'avaient remise en selle. Ce sont des auteurs communistes qui, bien qu’engagés politiquement, ne pensent pas que tous les problèmes des individus auraient pour seule origine le seul économisme. Non, chacun est aussi dans une histoire familiale et il semble marqué – programmé – pour le poursuivre en lui-même et dans ses enfants.
Cela fait penser à un certain fil conducteur. Et aux témoignages que nous livrent les enfants dans leurs créations : textes, écrits, chants, théâtre, dessins, jeux... Et, aussi, aux articles des journaux où nous pouvons recueillir des faits de vie. Tenez, hier, dans un journal régional, je lisais le compte rendu d’un procès en cour d’assises.
« Alors qu’il était enfant, il voit sa grand-mère brûler vive. Jeune homme, il assiste à la grande tristesse de son père, radié du corps des pompiers de sa commune parce qu’il a de l’arthrose. Adulte, il comparaît devant la Cour d’Assises d’Ille-et-Vilaine pour deux tentatives et deux incendies volontaires.
Le feu, toujours le feu ! Voilé le filigrane d’un tragique et fatal destin : celui d’un jeune père de famille de vingt-cinq ans : D.B. de Vern-sur-Seiche. Un prévenu, sans antécédent judiciaire, jouissant d’une bonne réputation : un travailleur issu d’une famille qui l’a élevé dans l’ordre, la droiture, l’honneur et l’autorité.
Ces délits ont été commis, à chaque fois, dans un moment de relâchement, après un excès de boisson. »
Il semble que cette vision de la grand-mère avait profondément marqué l’enfant. Il fallait qu’il rejette à l’extérieur (voir l’extra-réjection de Jousse) cet événement. Il fallait qu’il le rejoue. Et, en outre, il y avait cet interdit du feu qu’avait connu son père.
Ce n’est pas la première fois que l’on voit des enfants marqués par le feu. Ça se traduit par des textes, des poèmes, des peintures où le thème du feu revient sans cesse en filigrane, comme s’il fallait le rejouer jusqu’à l’usure. Ou du moins jusqu’à une atténuation suffisante pour qu’on reste en deçà de la limite du passage à l’acte.
Et qui dira si, à ces êtres ainsi marqués, des loisirs ou des métiers du feu ne conviendraient pas particulièrement : cuisine, soudure, verrerie, poterie, forge, métallurgie, pompiers, assurances contre l’incendie.
Il est illusoire de prétendre qu’on pourra donner à chacun ce qui lui faut pour effacer directement ou symboliquement une marque aussi profonde. Mais après avoir lu Karlin et Lainé, on ne doute pas que les êtres marqués (et qui n’est pas marqué et inscrit comme malgré lui dans une histoire à accomplir ?) auront toujours cette recherche au cœur. Ils en sont comme alourdis et cherchent toujours à s’en alléger. (Voir aussi Les mots pour le dire, Marie Cardinal, Livre de Poche, 1977.)
Profil de l’école
En conclusion provisoire de notre réflexion, est-ce que l’on ne pourrait pas penser à une organisation nouvelle de l’école ?
-De 0 à 2 ans :
Première enfance. Ce n’est pas du ressort de l’école.
-De 2 à 5 ans : Accumulation
Il y a tant à connaître qu’il suffit d’un milieu riche pour qu’on soit sûr que le panier à expérimentation sera toujours rempli jusqu’au bord. Il y a à découvrir dans tellement de domaines !
Mais déjà il faudrait avoir souci de programmes profonds (vie sociale, respect de la parole des autres, rejeu symbolique, autonomie d’habillement, départ de la trace...).
-De 5 à 8 ans : Accumulation - Introduction
Évidemment, on continue d’explorer le monde dans toutes ses dimensions, avec le souci d’en ignorer le moins possible.
Mais on a maintenant souci d’introduire suffisamment à des activités dont l’absence serait préjudiciable pour l’avenir de l’enfant : vélo, ballon, électricité, lecture, musique, travail manuel (tous les départs avant 8 ans).
-De 8 à 11 ans : Introduction - Accumulation
C’est la continuation du cycle précédent avec, cette fois, un accent plus marqué sur l’introduction. L’être est plus mûr, il est plus ouvert sur le monde, il peut s’assurer des départs plus vastes (réflexion linguistique, philosophie, activité corporelle, instrument de musique...). D’ailleurs certaines activités se mettent en place spontanément. Mais il faut avoir souci de ne pas en négliger. Et ne pas hésiter, s’il le faut, à rendre certaines choses obligatoires.
-De 11 à 14 ans : Organisation – I - A
On se préoccupe encore de fournir l’occasion d’expériences nouvelles (voyages, milieux et domaines nouveaux) pour continuer d’accumuler.
On se soucie d’introduire à de nouvelles activités qui n’étaient pas possibles avant. Par exemple, l’équitation avant douze ans peut être dangereuse pour la colonne vertébrale.
Mais, dans ce cycle, ce qui doit exister en dominante, c’est l’organisation du savoir accumulé pendant toute l’enfance par l’accès à des théories présentées plus rigoureusement : théorie atomique, géographie, histoire, linguistique, sciences naturelles, mathématiques...
Il se peut qu’on s’aperçoive alors que le programme ne serait pas tellement différent de ce qui se fait actuellement. Avec cette différence formidable que les expériences préalables ayant été réalisées, l’organisation du savoir correspondrait à une demande. Et il n’y aurait peut-être même pas d’inconvénient majeur à la présenter sous forme de fiches, de manuels, ou même de cours magistraux. Puisqu’il y aurait eu demande préalable !
Tout ne pourrait répondre exactement à des préoccupations antérieures, tout ne serait pas post-savoir. Mais le surplus serait un pré-savoir qui servirait de cadre souple aux réponses et aux questions à venir. À ce niveau-là, cela ne semble pas dangereux car l’esprit de découverte et de recherche libres se serait suffisamment, sinon définitivement installé.
Ajoutons qu’il serait souhaitable de ne pas tout apporter aux enfants. Il faudrait d’abord faire se coordonner les hypothèses antérieures qui n’auraient certainement pas manqué de se lever au cours des recherches en commun. Il est évident que cette activité hypothétisante se met d’ailleurs en place dès le plus jeune âge. Les choses ne sont jamais nettement séparées, il y a toujours des recouvrements. Il faut simplement faire leur place à des dominantes successives et donc, à ce niveau, à l’organisation des connaissances.
-De 14 à 17 ans : Approfondissement - O - I - A
Puis vient le moment des choses vraiment sérieuses. Jusque-là, on avait tout exploré, de moins en moins superficiellement. Cette fois-ci, on creuse encore plus en profondeur.
-De 17 à 20 ans : Spécialisation - Ap - O - I - A
On continue à creuser dans certains domaines sans négliger de continuer à se préoccuper de Ap - 0 - I - A.
-De 20 à X ans : Globalité - S - Ap - O - I - A
La spécialisation est sans doute un moment nécessaire pour une certaine spécificité utile des savoirs.
Mais il ne faut pas tarder à revenir à la globalité, sinon on risque de perdre l’usage de ses ailes et de se confiner dangereusement dans un seul territoire.
C’est la formation permanente pour la vie et la survie.
Utopie ou réalité
Tout ce qui précède peut paraître un peu systématique. Ce n’est qu’un canevas de réflexion qu’il faudrait remettre en cause, évidemment.
Cela peut paraître également utopique. Mais l’utopie d’aujourd’hui, c’est la réalité de demain.
D’ailleurs les freinetistes ne se contentent jamais de rêver, ils réalisent. Et ces idées, si faciles à rouler sur une feuille de papier ne seraient que des mensonges si elles n’avaient déjà subi un commencement de réalisation.
Il y a déjà la collection B.T.R. et en particulier le n°14 publié sous la responsabilité de Marie-Hélène Maudrin, qui éclaire les programmes profonds de ce premier cycle (2 à 5). Et le fichier maternelle. Il y a la collection B.T. qui a, entre autres choses, commencé à publier des brochures sur la théorie atomique (avec recensement d’expériences anciennes ou à réaliser), ce qui convient bien au cycle 4 (organisation en dominante). Il y a aussi les B.T.Son, les B.T. art, etc.
Déjà, des camarades qui ne se contentent pas de bavarder, ont réalisé le F.T.C. qui permet à la fois l’accumulation et l’introduction. Pour l’introduction, il suffirait peut-être de rendre certaines fiches obligatoires, des fiches de solides premiers pas.
Il y a encore du pain sur la planche. Nous avons à approfondir le tâtonnement expérimental, à préciser notre optique d’éducation et à continuer d’implanter, malgré les résistances, une autre conception.
C’est donc un vaste projet de mise en place d’une Autre École qui concerne les enfants et les enseignants.
Et les parents ?
On serait tenté actuellement d’en protéger les enfants et les enseignants. Maintenant, les parents croient encore que les enfants leur appartiennent et qu’ils peuvent s’en servir pour réaliser tous leurs désirs frustrés. Maintenant, ils se mettent souvent en travers du développement de leurs enfants, en fonction de leurs angoisses propres, pas toujours en phase avec la réalité. Maintenant, ils continuent de résister à l’apparition des nouvelles valeurs (mariage ou non, sexualité, travail). Et cela se passe souvent au niveau du drame.
Mais cette attitude des parents est le résultat d’une histoire. Ils vivent dans la société actuelle. Restera-t-elle toujours ainsi ? « No, la cambieremmo questa sporca societa ! »
Et une des premières choses à faire pour que les parents ne pèsent de tout leur poids sur leurs enfants pour se réaliser à travers eux, c’est de leur permettre de se réaliser en dehors d’eux.
Et cela pose le problème de l’éducation permanente, du rattrapage, de la compensation, de l’effacement de toutes les frustrations.
À cinquante ans, même si on est lingère, ou menuisier, ou téléphoniste, ou électricien, on peut découvrir la création poétique et en être comblé, on peut découvrir la musique, la lecture, la création corporelle, la création mathématique, la création artistique...
Oui on peut rêver d’une école de 2 à X ans. Mais d’une AUTRE ÉCOLE.
Paul Le Bohec
Texte paru dans l’éducateur n°13, 10 mai 1978, p.30-32
(Suite et fin des articles parus dans les n°4, 5, 7, 8, 10, 11 et 12 de l’Éducateur, année 1977-78)