Navigation dans l'œuvre de Paul Le Bohec, pour une école réparatrice de destins
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Programmes naturels

De quoi s’agit-il ? Pourquoi naturels ?

Oh ! Le mot n’a pas d’importance. Si on a mis « naturels » c’est pour faire choc. C’est pour pousser à l’interrogation sur les programmes actuels. Et pour que l’on comprenne combien ils sont artificiels. Ils sont d’ailleurs imposés par les adultes. Et par quels adultes ? Des adultes au service de qui ? Alors, il serait peut-être normal de demander aussi leur avis aux utilisateurs des programmes. Mais comment les enfants pourraient-ils donner leur avis s’ils ne sont pas informés des possibilités qu’ils pourraient avoir d’agir, de créer, de construire ? Tout au plus pourraient-ils rêver oralement ou par écrit.

Mais cela ne saurait suffire. Nous pouvons aller plus loin. Plus loin que les rêves de ce que l’on pourrait faire. Jusqu’à la réalité de ce qu’on a pu faire.

Car malgré les quintuples murailles dont est corsetée l’éducation, il y a, exceptionnellement, des expériences réelles qui peuvent nous induire à lutter pour une autre conception de l’éducation.

Ces expériences sont extrêmement ponctuelles et ne sauraient définir de nouvelles normes. Mais il est important de les relater. Ne serait-ce que pour amorcer la pompe. Nous présentons les programmes « naturels » de 2 à 3 ans et de 8 à 9 ans. Afin que l’on ait envie de combler les vides. Et d’infirmer ou de confirmer ce qui est présenté ici.

Pour l’enfant de 2 à 3 ans, il s’agit de deux fillettes de camarades à qui on laisse une assez grande autonomie.

Pour les enfants de 8 à 9 ans, il faut préciser les circonstances. Nos camarades Leone Déjoué et Daniel Boulanger de l’école Léon Grimault à Rennes travaillent en décloisonnement naturel (voir L’Éducateur n° 10 du 10 mars 1977). Ils travaillent à deux avec 56 enfants mais ils disposent de 3 salles de classe. Chaque matin les 15 enfants du CE2 se retrouvent seuls pendant deux heures et s’organisent pour « travailler ». Ce sont 15 enfants qui ont été formés à l’autonomie quand ils étaient au CE1 par un CE2 « responsable ».

Ce qu’ils ont réalisé, c’est un programme naturel, c’est-à-dire sans pression d’un adulte. En ouverture. Et non en fermeture de peur de ne pas atteindre des buts.

Paul Le Bohec

Texte paru dans l’éducateur N°15, 20 juin 1977, p.27

Programme « naturel » - L’enfant de 2-3 ans (extraits)
Maîtriser les appareils qui les entourent (télé, électrophone, téléphone).
Découvrir son corps, celui des copains, des parents (importance du miroir).
Les représenter en dessin, en peinture, en pâte à modeler.
Jouer avec la lumière.
S'interroger sur le fonctionnement des appareils.
En inventer avec des légos, des méca­nos, de la pâte à modeler, des boîtes.
Contrôler les sphincters.
Trouver plaisir à l'excrétion.
S'en servir comme expression d'un refus, d'un chantage.
Pour une fille : admettre qu'elle n'a pas un sexe de garçon mais un de fille (mais qu'elle en a un).
Grimper le plus haut possible.
Sauter le plus haut possible.
Sauter le plus loin possible.
Courir le plus vite possible, courir le plus loin possible.
Monter et descendre les escaliers.
Tenir la rampe des grands.
Etc.

Programme « naturel » - CE2 (extraits)
Fabriquer des châteaux en carton.
Jouer avec et confectionner des puz­zles.
Planter une fève, un champignon pour voir s'il pousse.
Être très curieux de la vie dans les autres pays, de la vie des grands-parents, de la préhistoire, du Moyen Age.
Fabriquer des objets avec des choses de la nature (glands, pommes de pin...).
Faire des bonshommes avec des bran­ches.
Faire des « castagnettes » avec deux cuillers.
Jouer avec des toupies, en faire.
Feuilleter, regarder, lire les livres, encyclopédies et autres.
Parler de l'éclipsé de la Lune, la reproduire.
Écrire des poésies sur la Lune, le Soleil, le brouillard.
S'intéresser au code de la route.
Écouter des disques de musique clas­sique, africaine, guadeloupéenne, martini­quaise...
Fabriquer des bougies avec la cire enveloppant les fromages.
Planter des  noyaux,   semer des graines.
Fabriquer des robots avec des boîtes en carton.
Chercher beaucoup de documents sur ce dont on parle (pays, histoires, ani­maux).
Les apporter en classe, les prêter.
Préparer des exposés.
Apporter beaucoup d'objets en classe.
Manger des fruits tropicaux.
Etc.