Les réformes du système éducatif français ne visent qu’à moderniser les moyens d’exclusion.
Pourquoi Darcos est-il si pressé de mettre en place de nouveaux programmes, alors que ceux de 2002 tenaient bien la route ?
Parce qu’il est impatient de mettre en place une école libérale, sur une base d’argent et de concurrence.
Seuls pourraient bénéficier d’une formation valable les enfants de parents aisés.
Mais, pour cela, il faut d’abord détruire l’école publique si scandaleusement gratuite.
Sous prétexte de permettre aux enfants d’apprendre davantage, on diminue leurs heures de présence à l’école ; on en revient au calcul mental, alors qu’il faut surtout se soucier de former des mathématiciens ; on insiste sur la grammaire alors qu’elle est dangereuse lorsqu’elle est prématurée.
La tactique n’est pas nouvelle : il n’y a pas si longtemps, on a laissé des dizaines de millions de gens à la porte de la culture en imposant la maîtrise de l’orthographe à l’âge de douze ans.
Même ceux qui étaient reçus au certif déposaient définitivement le porte-plume dès le lendemain de l’examen. On avait consacré presque tout le temps d’école à leur apprendre à écrire correctement mais on ne s’était pas soucié de leur apprendre à penser. Seul comptait la forme. Pour le fond, il y avait des gens qualifiés.
Et on sélectionnait certains enfants de la classe populaire sur une base d’excellence en orthographe pour qu’ils deviennent instituteurs et agents de la perpétration du crime culturel.
Avec l’école libérale, ce serait plus simple : c’est l’argent qui serait le moyen de la discrimination.
Attention, il ne s’agit pas de négliger l’orthographe, c’est même tout le contraire car, pour des raisons historiques, elle est une base constitutive du français écrit.
Mais son apprentissage sera facilité si on se souvient du fait, unanimement reconnu, que la mémoire est grandement liée à l’affectivité. On travaille d’abord sur les textes de l’enfant et sur ceux de ses camarades. Et les notions sont mieux assimilées parce qu’elles s’inscrivent dans un vécu. De plus, la nécessaire répétition est assurée du fait que les enfants ont, en gros, les mêmes préoccupations, le même style de vie. Et les mêmes thèmes reviennent régulièrement.
Autrefois, l’école était le seul lieu où l’on pouvait trouver de l’information. Maintenant, on en déborde. On doit aider les enfants à apprendre à traiter l’information et, pour commencer, celle qu’ils produisent.
D’autre part, et peut-être surtout, la pratique de l’expression-création permet à certains cerveaux de se désencombrer et de devenir accessibles à l’acquisition de connaissances.
En bref, une pédagogie de l’être humain est possible. Mais on se garde bien de donner la parole à ceux qui la pratiquent : ils pourraient être contagieux.
Nous avons changé d’époque : au temps du certif, on acceptait tout parce que cela n’empêchait pas de gagner sa vie et de survivre.
Maintenant, avec l’institution de l’école libérale, il faudrait s’attendre à beaucoup plus de violences sociales car la masse des gens n’accepteraient pas de ne pas être reconnus, de ne compter pour rien et d’être niés dans leur existence.
Alors, vigilance, vigilance, il y a danger.
Paul Le Bohec 35520 La Mézière, lundi 21 avril 2008
(Nouveaux programmes Darcos rentrée 2008-2009)