Malgré l’annonce imparfaite de la réunion de cette commission, 25 camarades s’étaient groupés prouvant par leur présence que l’intérêt pour la création enfantine se maintient.
Alors, il faut redémarrer. Les échecs de l’an passé doivent être effacés : il s’agissait de chaînes d’albums qui restaient pendant 6 mois dans quelque tiroir. Impossible de bien travailler dans ces conditions. Mais il faut avouer que cette solution était loin d’être idéale.
Il faut repartir, cette fois du bon pied. Il faut créer, il faut créer, il faut dire ce que l’on ressent : il y aura toujours du nouveau sous le soleil, ne serait-ce que la confrontation de l’ancien, de l’éternel avec ce qui change au cours des années.
Les contacts de l’enfant avec son milieu doivent être exprimés. Le mieux étant que chaque pensée enfantine soit agrandie, prolongée, portée à son développement maximum par son insertion dans le milieu de travail que constitue la classe.
Les Techniques Freinet ne doivent pas, dans les petites classes surtout, se réduire à une correspondance, fut-elle parfaite, à un journal supérieurement imprimé, mais aussi et peut être principalement à une attention soutenue accordée à l’idée multiforme : reflet du monde sur notre cerveau.
Il ne faut pas se contenter du texte libre journalier, mais y saisir la phrase, le mot même où se concentre ce qui l’a fait naître. Ce mot étant, quelquefois, extérieur au texte écrit, il faut le faire affleurer par les questions des enfants et du maître. Les premières étant les meilleures parce qu’elles savent mieux atteindre l’essentiel. Les enfants « savent parler le langage des perles aux perles ».
Et cette pensée, noyau du texte, sera par une reprise répétée, portée à son maximum de tension.
À mon avis, ces histoires, petites ou grandes devraient constituer le fond de littérature de la classe car pour qu’un être humain soit cultivé, il faut qu’il aborde d’abord une culture enfantine, née du milieu. II faut d’abord lire son milieu. Et cela peut se faire par la création rapide de petits livrets de lecture illustrés ou non. Mais de temps en temps, il ne faut pas hésiter à se lancer dans la réalisation d’un bel album.
Ce n’est pas une telle aventure : une feuille de canson, quelques feuilles de papier pour duplicateur, un peu d’encre de chine et la classe s’enrichit d’un nouveau trésor.
Créons donc des poèmes, de longs récits, des reportages, des histoires imaginaires ou réelles. Mais il faut surtout s’intéresser aux choses simples de la vie : histoire d’animaux, d’enfants, événements locaux qui lorsqu’ils sont rapportés simplement sont toujours émouvants (ex : Le Breezand – La Guerre – À St Cado – La chatte et la pie etc.).
La création enfantine ? Rien de plus aisé à protéger et à faire croître.
Chers camarades, la littérature enfantine doit refleurir. Et nous en verrons une centaine de fruits au congrès de CAEN, l’an prochain !
Paul Le Bohec
Article paru dans l’éducateur n°16-17, 15 mai-1er juin 1961, p.42